Au delà des collines©Le Pacte

Au-delà des collines : moyen-âge roumain

Critique
de Cristian Mungiu
152 minutes 2012

Au-delà des collines, variation libre autour d’un fait divers survenu en 2005 en Moldavie, signe le retour attendu du cinéaste roumain Cristian Mungiu, cinq ans après la Palme d’or reçue par 4 mois, 3 semaines et deux jours. A l’instar du précédent, ce film met en scène deux jeunes femmes : une jeune novice, Voichita, qui fait entrer au monastère son amie depuis l’orphelinat, Alina, précipitamment revenue d’Allemagne pour des raisons inconnues. Alina aime Voichita plus que de raison, mais Voichita s'est tournée vers Jésus et entend faire partager sa foi à Voichita.

Le film orchestre, en boucles successives, les tentatives visant à expulser l’intenable Alina du monastère et à rompre le lien en apparence indestructible qui la relie à Voichita : après une première crise hystérique, elle est confiée à l’hôpital le plus proche ; c’est ensuite dans sa famille d’accueil que l’on tente de la renvoyer… Mais rien n’y fait, elle revient toujours au sein du lugubre monastère…  Le film se replie sur lui-même et l'impasse aboutira au drame.
On est saisi de l’impression de claustration que réussit à susciter le cinéaste, par son utilisation des couleurs froides, l’alternance de plans larges et de plans serrés, mais aussi le travail soigné de l’arrière-plan sonore. Non content d’ajouter au sinistre de l’atmosphère, celui-ci nous rappelle périodiquement que ce lieu à l’apparence moyenageuse est en fait contemporain, en nous faisant entendre par exemple le rumeur d’un avion dans la cour du monastère… Le film est traversé par cette tension entre archaïsme et modernité : il nous plonge dans ce qui s’apparente à un véritable Moyen-Âge, dont les brèves intrusions d’un réel contemporain (à travers les figures des médecins) ne font que souligner l’obscurantisme.
C’est l’occasion pour le cinéaste d’interroger la place de la religion dans le monde actuel, mais sans manichéisme aucun : le prêtre est à la fois celui dissipe les superstitions et celui qui cède à leur folie, le médecin est la figure rassurante de la science, mais aussi celui qui se débarrasse d’Alina en la renvoyant au monastère. Cette absence de parti pris se retrouve dans la confrontation de la religion à la force des pulsions et à la responsabilité (tant individuelle que collective).

Au-delà des collines semble dialoguer à travers les siècles avec La Sorcière (1862) de Michelet. Dans la première partie de son essai l’historien inventait la fable de la sorcière comme héritière du grand Pan, vouée aux gémonies par le christianisme, et ancêtre de la médecine d’aujourd’hui. Dans la seconde il analysait les cas de possession observés à Loudun et Louviers au XVIIème siècle.
Cet éclairage permettra peut-être au spectateur de prendre le parti d’un film, qui malgré la force de son sujet se révèle plus pesant que réellement éprouvant.