Les grands esprits©Bac Films

Les Grands esprits : une vision positive (et naïve) de l'école

Critique
de Olivier Ayache-Vidal
106 minutes 2018

François Foucault (Denis Podalydès), professeur de lettres au prestigieux lycée Henri IV, est muté contre son gré dans un collège de banlieue classé REP +. Après des débuts difficiles, il prouvera que sa bonne volonté peut faire des miracles. On pouvait craindre le pire de cette énième variation sur une trame déjà largement usée par le cinéma. Mais pour son premier long-métrage, Olivier Ayache-Vidal réussit à éviter un certain nombre de clichés. La classe de banlieue qu’il met en scène n’est pas un repaire de criminels en devenir mais, de manière beaucoup plus réaliste, un assemblage hétéroclite d’élèves plus ou moins attentifs, dont la majorité est disposée à apprendre. Au lieu de céder à la facilité de la noirceur, Ayache-Vidal laisse ainsi place à la légèreté, et le choix du réalisateur de prendre comme comédiens les vrais élèves et parents du lycée Maurice Thorez de Stains apporte au film beaucoup d’authenticité. S’il n’est pas exploitable en classe (il n’est pas beaucoup question de littérature dans Les Grands Esprits, à l’exception d’une séquence où le professeur raconte Les Misérables comme une succession de faits divers entendus au journal de 20h), le film plaira sans doute aux enseignants, auxquels il permettra de s’interroger sur la notion de bienveillance.

Les limites des Grands esprits tiennent à la vision très naïve, voire utopique, que le film donne du pouvoir de l’école. En choisissant de ne presque jamais sortir du collège, le film oublie de prendre en compte le contexte social et géographique dans lequel s’inscrit cet établissement. Or, dans la réalité, les adolescents scolarisés en REP + sont confrontés à de nombreux obstacles, comme la pauvreté ou les discriminations, et n’attendent pas simplement qu’un professeur bienveillant leur redonne le goût d’apprendre pour s’engager sur la voie de la réussite et du bonheur.

Cette vision très volontariste du rôle du professeur se double d’une gênante hiérarchisation des personnages : il y a d’un côté le sauveur, et de l’autre les sauvés. Seydou, élève turbulent qui s’ouvre peu à peu au savoir, ne le fait ainsi jamais seul. Quand Seydou triche en dictée, François choisit de fermer les yeux ; quand il présente un exposé bâclé, François récompense son audace ; et quand il se fait renvoyer du collège, François menace le proviseur pour qu’il puisse revenir. Tout au long du film, Seydou nous est ainsi présenté comme un petit malin avec un poil dans la main, qui aurait sombré sans les interventions providentielles d’un professeur-héros. Où comment le film retombe, à force de bonnes intentions, dans les clichés qu’il avait su éviter.

Merci à Anastasia Rostan et Justive Vialle, professeures de Lettres, pour leur contribution à cet article.