Hunger games©Metropolitan Filmexport

Re-lecture philo : Hunger games

Analyse
0 minutes 2012

Chaque année à Panem des jeux d'un genre macabre sont organisés : les Hunger Games voient chacun des douze districts de la nation envoyer une fille et un garçon âgés de douze à dix-huit ans dans un combat à mort dont un(e) seul(e) seulement sortira vivant(e). Comme le roi Minos qui exigeait des Athéniens le sacrifice de leurs enfants au Minotaure pour le meurtre de son fils Androgée, l'organisation des "Jeux de la faim" prend la forme d'une expiation. Selon la théorie de la rançon d'Origène, Dieu propose le Christ à Satan afin de libérer l'humanité devenue son esclave pour avoir chuté par ses péchés. Marché conclu. La pénitence qu'est le sacrifice annuel des enfants aux Hunger games est l'occasion de rappeler le pêché irréparable qu'avait commis le treizième district en osant la rébellion. Le peuple de Panem sera lui le débiteur éternel de son gouvernement.

Les jeux de la faim s'érigent donc comme une démonstration de force qui plonge le peuple dans la terreur. Mais la perspective d'une année de prospérité pour le district gagnant maintient également un minimum d'espoir chez les citoyens. Du pain et des jeux lancés à la foule : panem et circenses selon l'expression latine, à laquelle le roman de Suzanne Collins emprunte le nom de sa contre-utopie. Le jeu d'une brutalité sans pareille (adoucie dans le film par rapport aux descriptions du roman) plonge le peuple de Panem dans un perfide état d'hypnose. Une léthargie qui empêche tout soulèvement contre le joug tentaculaire des dirigeants. Cette paralysie collective obtenue par le gouvernement offre une illustration du concept d'Art de l'Etat de Machiavel : comment assurer, maintenir et perpétuer le pouvoir.

Au sein du jeu cette fois, les personnages sont plongés dans un milieu où les principes de la morale s'effondrent. La règle est de tuer ou de se faire tuer : chacun doit choisir son camp. L'héroïne Katniss Everdeen est celle qui refuse cette fatalité, tout en voulant survivre à tout prix. Le film fait alors émerger une morale de situation, de l'existence, de l'ambiguité. Katniss réussit à éviter l'écueil de l'exclusion de la raison et de l'action que suppose le fatalisme. L'ordre éthique passe ainsi d'un impératif inconditionnel, de type kantien, à un projet existentiel, de type sartrien, où l'homme doit se redéfinir à chaque instant. Katniss incarne cette personne humaine imprévisible, en perpétuel surgissement…
Pour abattre son Minotaure à elle, notre Thésée féminine devra jouer du paraître, sans se trahir pour autant. A certains moments, la facette exhibitionniste inhérente au jeu nous laisse dans l'incertitude (est-elle dans la représentation ou bien dans un élan de sincérité ?). Soumise à la distorsion des facteurs d'un environnement totalitaire, Katniss use de son libre-arbitre pour choisir le chemin qu'elle empruntera. Enchevêtrée dans ce carcan répressif, elle incarne la liberté (au sens de Saint-Thomas d'Aquin) contre la conjoncture.  Compte tenu de la situation, ses choix paraîtront parfois équivoques, ce qui permet de contourner avec intelligence le manichéisme qui frappe ce type de productions. Hunger games nous offre le parcours initiatique plein de rebondissements d'un personnage plus complexe qu'il n'y paraît.