Une vie©Diaphana Distribution

Stéphane Brizé : "Il y a un très beau texte de Maupassant qui dit que tout doit passer par des gestes, des observations"

Entretien
de Stéphane Brizé
119 minutes 2016

Quel fut votre compagnonnage avec ce roman que l’on peut considérer comme un « classique » enseigné à l’école ?

À vrai dire, ce n’est pas une lecture d’adolescence car je n’étais pas un grand lecteur, et me vient surtout le souvenir scolaire du Rouge et le noir de Stendhal. Mais c’est un long compagnonnage car j’ai maintenant cinquante ans et je l’ai découvert à vingt-sept ans grâce à ma scénariste Laurence Vignon : d’emblée, quelque chose m’a attaché à ce personnage et je reviens régulièrement vers le roman, tous les deux ans environ. Un sentiment de proximité avec Jeanne qui pourrait passer par son impossibilité à faire le deuil du paradis de l’enfance. Tout est dans ce regard placé sous le signe de l’enfance. J’ai ressenti moi-même cette brutalité des rapports humains, du mensonge car j’étais entré dans la vie avec un regard dénué d’arrière-pensées. J’ai mis en place des défenses, contrairement à Jeanne qui reste ancrée dans la candeur. La tragédie du coup est nourrie par le beau et le sublime. Ce sont là des raisons intimes de faire ce film. Je pense avoir clos un moment de mon travail avec Quelques heures de printemps et ouvert un autre avec La loi du marché. Cependant il est à noter que le projet d’adaptation d'Une vie a été initié avant La loi du marché : il a été écrit en janvier 2012 mais je crois qu’il s’est fait après non par hasard mais justement parce que le film précédent a pu s’insérer auparavant. Les deux parlent de la fin des illusions, l’un de manière réaliste et sociale,  l’autre de manière poétique. Il y a chez les deux personnages principaux une très haute idée de l’homme. Je crois que ces films sont intimement liés plus que les précédents. La loi du marché a aussi été créée une nouvelle manière de concevoir un récit.

On sentait en effet que votre style, votre univers s’étaient affirmés de film en film et que La Loi du marché a comme rebattu les cartes.

Il y a des moments où il faut réinterroger forme et structure narrative. J’ai trouvé un rapport franc au documentaire pour les deux films. Pour la place de la caméra, je veux donner l’impression que des gens m’ont invité à occuper un espace qui ne m’appartient pas, tandis qu’auparavant je disposais les éléments pour créer le récit. Je procède à une narration d’empilement plutôt qu’une narration d’ « enfilement » : je suis un personnage dans sa vie, et l’intrigue procède du personnage. Il ne s’agit pas de nouer habilement une intrigue mais de l’aborder comme on appréhenderait un sommet par diverses faces.

Le rapport ténu à la durée frappe forcément le spectateur.

Je pense que sur ces deux films j’ai voulu prendre les séquences comme au rebond parfois, sans donner toutes les infos au préalable : des enjeux ténus sont là, le spectateur doit être attentif, capter ce qui va surgir. Je voulais capter des vibrations telles celle d’une petite flamme qui refuse de s’éteindre là où d’autres auraient capitulé, seraient morts. C’est comme si je ne savais pas ce qui allait se passer. La caméra à l’épaule permet de donner l’impression que je me mets là où je peux, sans rompre la cohérence du lieu de vie. Il n’y a pas forcément besoin de tout voir pour tout comprendre : si je n’explique pas tout, le spectateur pourra projeter une part de soi. Avec ma scénariste, c’est une pensée qui date de longtemps et de manière plus formelle depuis La loi du marché. Il suffit qu’il y ait une surface d’accroche pour l’imaginaire. Si une émotion naît, je souhaite qu’elle naisse du rapport au monde du spectateur et pas simplement de ce qu’il voit sur l’écran.

Il y a dans votre film une grande liberté dans la reconstitution et un rapport à l’espace singulier via le format 1:33. C’est comme si on ne percevait que l’air nécessaire à Jeanne pour respirer et se mouvoir.

J’ai pensé ce décor comme j’aurais pensé un HLM : ne pas filmer du décor à tout prix parce que c’est un château. Quelques éléments suffisent à montrer ce qu’il y a dans la pièce. La décoratrice a été un peu frustrée, mais je lui ai dit que je n’étais là ni pour filmer un décor ni pour servir Maupassant. C’est comme un braquage : son histoire me parle tellement que je la sens mienne, comme si j’avais pu l’écrire. Il faut alors se battre contre la littérature. L’un des outils essentiels dans cette bagarre est bien évidemment le rapport au temps. D’abord j’ai essayé de me mettre dans les pas de Maupassant, en construisant un déroulé linéaire. Or la durée d’un long-métrage ne coïncidait pas avec la logique narrative, qui semblait tirer le récit vers un format de série TV, d’au moins six heures. Le temps de l’expérience du spectateur s’apparente à celui du lecteur : il rencontre le temps diégétique des trente ans écoulés. J’ai donc utilisé une logique opposée à celle de Maupassant, celle de l’ellipse qui est un non-temps dans lequel je peux mettre ce que je veux. C’est fou comme des moyens opposés parviennent à donner une même sensation de temps.

C’est un aspect impressionnant du film...

Jeanne ressurgit,  plus âgée et seule, sans qu’on dise explicitement que du temps s’est écoulé mais l’évidence est pourtant là.
Il faut d’abord pour donner cette impression de grands acteurs,  un maquillage excellent et un vrai travail de chef opérateur. Sans cela,  ce me semblait un objectif impossible à atteindre.

Ce que vous donne Judith Chemla est un événement rare au cinéma.

Sans comparer les actrices, je pense que le choc est similaire à celui de la découverte de Juliette Binoche dans les années quatre-vingt. Elle connaissait pleinement sa matière, à la différence peut-être de Sandrine Bonnaire, excellemment dirigée par Pialat puis Agnès Varda dans son côté sombre.
Judith n’est pas simplement une nature, elle est d’abord une actrice qui possède une intelligence liée à la disponibilité : toutes les portes sont ouvertes et le champ d’investigation est illimité. Aucun frein ne vient endiguer les possibles. C’est un talent à l’état brut.

Comme Maupassant montre plusieurs strates de Jeanne, Judith Chemla invente une fille, une épouse,  une mère,  une possibilité de grand mère.

Si les effets de maquillage n’avaient pas été concluants, j’aurais renoncé au film, même quand les financements étaient trouvés.
On a effectué des tests de rajeunissement et de vieillissement qui heureusement ont été très concluants : je pouvais filmer Judith en gros plan sans craindre un décalage gênant. À un moment elle avait vingt ans, deux heures après elle en avait quasiment cinquante. Le grain de la peau était un possible plastique et narratif. C’est une alchimie qui trouve son origine dans la rencontre entre le rôle et le corps de l’acteur.  

Le casting fonctionne de manière organique. On ne prend conscience que tardivement par exemple que l’on est face à un acteur aussi connu que Jean-Pierre Darroussin.

Organique est le mot car cela préside à chacun de mes choix : je choisis par exemple des non-professionnels pour incarner l’abbé Tolbiac qui est un véritable prêtre, le notaire est aussi un vrai notaire, idem pour le médecin. Je veux montrer des gestes et des paroles justes.

Pour revenir aux parents, Jean Pierre Daroussin et Yolande Moreau,  on a l’impression que les images des deux acteurs se sont décantées, comme si vous aviez opéré par soustraction. Comment procédez vous ?

Je fais des « documentaires » sur mes différents acteurs, je suis intéressé par leur rapport au monde. La vibration du rapport au monde de Judith est un événement à filmer, émouvant et imperceptible. Idem pour Jean-Pierre Darroussin et Yolande Moreau qui arrivent avec un passé. Jean-Pierre endossant un costume de baron devient un baron et doit enlever les pelures d’oignon de ses rôles précédents, voire de sa biographie. Je lui ai dit de puiser dans sa noblesse naturelle et d’être pleinement le baron qu’il peut être dans son rapport au monde. Je veux capter un rapport au monde et donc le couple de parents que je vais montrer doit être cohérent, et je dois comprendre pourquoi leur fille est ainsi sans que soient énoncées des explications.  

Quelque chose du rapport père/fille, à la fois fort et implicite, passe dans la scène liminaire dans le jardin. C’est un écart par rapport au roman, qui installe le récit avec la sortie du couvent.

Il y a un très beau texte de Maupassant qui dit que tout doit passer par des gestes, des observations et non ce qu’il appelle « psychologisation ». Le personnage n’a pas à connaître son mode d’emploi : je tiens à cela depuis mes premiers films. J’avais besoin de choisir un espace commun aux deux personnages. Par ailleurs, il fallait que je montre que Jeanne allait regarder l’homme comme elle regardait la nature, comme une sorte de croyance. La nature ne ment pas car quand on plante une graine dans de bonnes conditions, qu’on l’arrose régulièrement, elle va pousser. Il n’en va pas de même pour l’être humain qui est plus complexe. C’est beau et tragique.

Il y deux moments-clés du roman que vous traitez avec audace, de manière très physique : la nuit de noces et la découverte du premier adultère avec Rosalie.

Maupassant a un regard je crois moins bienveillant que moi sur ses personnages. Chez lui, Jeanne est agaçante. Julien est un simple opportuniste. Pour moi, il a été blessé socialement, c’est la déchéance d’un homme de rang qui a tout perdu. Il va chercher à se rassurer, en se reconstruisant socialement. Il tombe sincèrement amoureux de Jeanne, car elle incarne ce qu’il vise socialement. Mais quand il découvre son rapport au monde, cela ne le touche pas. Il faut bien évidemment repenser au contexte pour comprendre les amours ancillaires, qui surgissaient sur un terreau de mariages arrangés pour des questions patrimoniales. Le curé ne venait remettre de l’ordre que quand tout cela se voyait trop. Il y avait un forme de « tolérance ». J’ai demandé à Swann Arlaud d’être sincère quand il demande pardon aux parents : il pourrait tout perdre, y compris sa famille d’adoption.

Comment avez vous choisi Finnegan Oldfied, l’interprète de Paul ?

J’avais déjà choisi Swan et Paul à 12 ans. Je l’ai choisi tardivement et comme ils n’étaient pas ensemble à l’image j’ai senti qu’il y avait une filiation possible. Je crois que cela tient à une qualité d’inquiétude, un beauté inquiète et non inquiétante. Cela est très émouvant. J’avais aimé son travail dans le film Les Cowboys de Thomas Bidegain : quel que soit son geste, ses paroles, il a une forme de grâce immanente. Cela ne tient pas en soi à une forme de beauté. Paul a été déconnecté du monde et fait payer littéralement et symboliquement à sa mère. Il fallait que ce gamin peu visible à l’image soit marquant dans ses apparitions car après il n’existe que par ses lettres Le jeune acteur était très attachant, touchant : il était montré avec la coccinelle puis on enchaînait assez naturellement avec Paul jeune homme joué par Finnegan.

Comment définiriez vous la place du montage dans le projet de Une vie ?

Tout d’abord, il faut savoir que ce fut un tournage singulier dans sa durée : neuf semaines en Août-Septembre 2015, trois semaines en novembre, puis deux semaines en janvier 2016. Entre chaque partie de tournage, s’intercalait une phase de montage. Les dix-sept semaines se sont étalées dans le temps. Cela avait plusieurs avantages car la première partie du tournage n’avait pas la matière nécessaire à un montage linéaire. On a travaillé autrement : on a su que le scénario ne pourrait être tourné tel quel même s’il avait des flashbacks qui ont été trouvés aussi au montage. J’avais la sensation de capter des tas de choses vraies, justes, mais le bout à bout aurait pu confiner au pénible. Il fallait réécrire un scénario avec les images.
J’en ai parlé avec Claude Lelouch qui m’a dit avoir quasi tout le temps fait cela durant sa carrière. Je lui demandé s’il savait lors du tournage que cela se traduirait de manière aussi claire lors du montage et il m’a avoué que cela lui semblait impossible. Je pense que c’est comme si la somme des vérités tournées devait donner une autre vérité. Nous avons tenté des combinaisons multiples qui ne pouvaient être ni systématiques ni préparées. La première vérité est chronologique, ensuite survient une autre vérité : on ne peut partir d’une abstraction. Il faut partir de quelque chose de simple qu’on va complexifier ensuite.
J’ai aimé jouer sur l’ellipse comme sur le décalage entre son et image, ce qui crée une émotion très singulière : par exemple on voit Jeanne à sa fenêtre et on entend ses parents parler comme si on faisait coincider cause et conséquence.

On pense d’ailleurs à Peter Watkins notamment à Edvard Munch avec l’intuition de devoir trouver des possibles avec un matériau tourné aux dimensions démesurées. En était-il de même pour vous ?

J’aime beaucoup ce qu’il fait, c’est le film absolument majeur d’un cinéaste unique. J’avais en fait cent quarante heures de rushes. La première des expériences était une expérience de laboratoire qui me permettait de choisir une voie ou une autre que ce soit lors du tournage ou lors du montage. Je sentais ce que le film me dictait sans bien sûr changer d’objectif : l’écrit est une étape, le film en train de se faire en est une autre. Il me fallait observer comment réagissait la matière, qu’elle soit visuelle ou sonore.  J’ai demandé au monteur-son de me fournir une abondante sonothèque avec des chants d’oiseaux, du vent. J’ai alors senti que le son était au même niveau que les images pour concevoir le film : entendre le bon son permettait de comprendre le fil à suivre.

Pouvez-vous revenir sur cette scène saisissante où Jeanne découvre que Julien la trompe avec sa servante : elle semble surgir de manière très violente avec un son de tempête intense, alors que de nuit les personnages ne sont que des silhouettes à peine perceptibles.

Le vent s’engouffrait dans le micro et quelque chose d’agressif, pas nécessairement prévisible s’est invité dans le film lors de cette séquence tournée en réalité en nuit américaine.

Pourriez-vous revenir sur les portraits que le film semble faire surgir au détour d’une scène, notamment sur les très beaux « profils perdus » de Jeanne, sur tous ces moments en somme où la beauté s’impose sans jouer la carte du tableau reconstitué ?

Nous avons en fait combattu cette tentation du tableau durant le tournage. Par exemple, Jeanne devait jouer du clavecin durant le film joué en off. Nous avions en amont longuement préparé cette composante : un clavecin avait été installé, Judith avait répété tous les morceaux après avoir longuement appris le clavecin. Or quand j’ai vu Judith et le clavecin dans le cadre, je me suis dit qu’il fallait tout arrêter car on était dans le tableau figé, presque mièvre, notamment par le côté statique que cela occasionnait. Nous nous sommes tournés vers le pianoforte car le claveciniste avait amené cet autre instrument qui ne posait pas les mêmes contraintes.

Que ce soit pour la question redoutable de l’adaptation comme pour la joliesse du tableau, vous êtes dans un point de vue singulier en France.

Je reviens vers le Edvard Munch qui m’a marqué par son commentaire didactique, qui sur le papier serait assommant et qui pourtant crée un décalage incroyable dans le film. Rarement on a pu se dire que la caméra était dans ce café en plein milieu du XIXe siècle. Idem pour le magnifique film d’Andrea Arnold Les Hauts de Hurlevent, doté d’une énergie extraordinaire. À cela s’ajoute une autre référence que j’ai beaucoup consultée : un film japonais un peu oublié actuellement, L’île nue de Kaneto Shindo, avec sa manière organique de montrer le rapport de l’homme à la nature.

Quand on regarde votre film on se dit que si beauté picturale il y a, on n’aboutit jamais à une beauté figée.

Je n’ai pas de grande culture picturale mais si référence il y a ce serait du côté de Hammershøi, qui est un immense peintre danois, et non du côté des Impressionnistes français.

Comment la mer qui est un élément complexe et changeant a été traitée durant le tournage de votre film ?

J’ai fui la carte postale d’Etretat,  fui l’aiguille qui est pourtant décrite dans le roman. Nous sommes revenus sur le lieu à différents moments donc on en capte des aspects très différents depuis les vagues immenses jusqu’aux vaguelettes… et de ce fait on capte une sensation de violence ou une sensation de paix. J’avais facilement trente minutes de rushes pour quelques secondes de baignade de Jeanne. Le cadre évoluait comme dans un documentaire : je demandais au caméraman de chercher le cadre, de le bouger sans cesse. Filmer l’eau est beau en soi sans avoir besoin de le figer : elle se baigne dans sa robe blanche, elle remonte une pente... et la beauté surgit sans prévenir !
Le beau peut devenir « joli », qui me semble l’un des pires mots de la langue française. Cela me transperce quand on m’a dit que j’ai fait de « jolis » films. Il y a de jolis téléfilms ou films mais c’est ce tout que je déteste. Le laid et le beau soit, mais le joli non... c’est un entre deux assez informe.

Pouvez vous revenir sur le voyage de noces en Corse ?

À l’étape du scénario, on devait traiter cela en flash back. C’est un chapitre entier qu’on ne pouvait traiter en quinze-vingt minutes de film, mais il fallait en tirer la substantifique moelle car c’est le moment où elle éprouve certainement de manière unique le plaisir du corps. C’est une réminiscence qui surgit dès lors que le froid de l’hiver s’impose à elle. Jeanne ne vit que par la mémoire de ce qu’elle a vécu : le flash back ne traduit pas simplement un moment mais ce qu’est Jeanne de manière profonde.
Cet épisode corse est éclaté en trois moments : la découverte du paysage, le moment de baignade dans la rivière et le moment où elle embrasse Julien. J’ai tenu à ce que nous tournions vraiment sur place car la vérité de ce tournage en Corse créait une forme vraie.

Pouvez vous nous parler de vos choix de mise en scène pour montrer la mort du père ?

On a voulu éviter le réflexe de créer de l’émotion larmoyante au moment de la mort des personnages. La vie est aussi vertigineuse : on vit puis on meurt. La disparition d’un personnage n’a pas à être surdramatisée car le manque et les regrets suffisent à susciter une émotion vraie. Je pense notamment au moment Jeanne lit les lettres sur les images du corbillard et tout se passe comme si sa mère lui redisait de ne pas rater sa vie.
Il ne faut pas racoler le spectateur car par exemple lors d’un enterrement on ne pleure pas nécessairement au moment attendu, ce que Pialat traduit admirablement dans un film comme La Gueule ouverte. Mon travail consiste à créer des émotions chez le spectateur mais pas des émotions sucrées. Ce n’est pas de la sécheresse mais de la pudeur vis à vis des personnages comme des personnes.  

Quel rapport entretenez-vous vous avez avec le réalisme de Flaubert et Maupassant ?

Je suis au diapason de Maupassant qui refuse la psychologie sans l’avoir soupçonné. La lecture du roman m’a permis de créer ma propre lecture. Il y a chez Maupassant un refus du sentimentalisme et du moralisme. L’abbé Tolbiac décrit comme hystérique chez l’écrivain a donné chez moi le fait un refus de la caricature : je lui ai trouvé une vérité en les amenant à discuter de la vérité quand ils leurs visons respectives à ce propos se sont heurtées, dogme de la vérité chez Tolbiac et vision plus nuancée chez Jeanne. Je l’ai voulue moins stupide et lui moins forcené comme si j’avais voulu nuancer. J’ajoute un corps donc je dois moins surligner ce que les mots accentuent.
Le film d’Astruc n’adapte pas véritablement le roman qui s’intéresse en fait sur 10 chapitres à 1an et demi de la vie de Jeanne tandis que les 4 derniers s’intéressent au reste de sa vie, ce qui en faite une œuvre très curieuse. Je voulais montrer les conséquences des choix de vie des personnages au contraire d’ Astruc qui s’arrêtait avec la mort de Julien. Par ailleurs tous les acteurs y sont trop typés : une Jeanne angélique, un Julien brutal, etc…
J’ai essayé de faire exister Jeanne par rapport à un cadre, à d’autres personnages. C’est une bagarre avec la littérature car je fais un film et non un roman. J’avais l’impression d’une présence de Maupassant qui regardait par dessus mon épaule comme s’il me défiait avec un sourire en coin.