Zarafa©Pathé Distribution

Zarafa : girafomania

Critique
de Rémi Bezançon
78 minutes 2012

"Qu'est-ce que c'est que ce truc-là ?" On doute que la phrase mise dans la bouche du personnage du roi Charles X par le film Zarafa soit véridique. Mais elle nous dit bien la stupéfaction des européens qui découvrirent pour la première fois le mamifère au long cou, aujourd'hui rendu si familier par les documentaires animaliers, les albums pour la jeunesse, les dessins animés,… et bien sûr la fréquentation des zoos.
Co-réalisé par le réalisateur Rémi Bezançon (Le Premier jour du reste de ta vie) et l'animateur Jean-Christophe Lie (auteur d'un court-métrage très remarqué, L'Homme à la Gordini), Zarafa raconte autant qu'il la romance l'histoire vraie de la girafe éponyme, la première à avoir foulé le sol français (et la troisième en Europe, la première remontant à Alexandre de Medicis) : offerte au roi de France par le vice-roi d'Egypte, débarquée à Marseille, remontant la France "à pattes", accompagnée par le naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire, elle arriva à Paris en 1827 pour prendre ses quartiers au Jardin des Plantes, suscitant un engouement sans précédent (on parle de 600 000 visiteurs pour le seul été 1827).
Le film prend clairement le parti du conte exotique et moral, multipliant les personnages (à commencer par le petit héros, Maki) et les péripéties, reliant l'histoire de Zarafa à nos préoccupations modernes (l'esclavage, le colonialisme…). A la fois somptueux livre d'images (une Afrique enchanteresse, un Paris dickensien, ou plutôt hugolien en diable) et fable sur la liberté, Zarafa puise son inspiration graphique autant dans la ligne claire de l'animation classique (le Michel Ocelot de Kirikou, voire les premiers Disney) que dans le trait plus stylisé (et adulte) de Joann Sfar ou Sylvain Chomet (voir la peinture croquignolesque du Paris de la Restauration, atteint de "girafomania", sous l'influence revendiquée des caricatures de Daumier).

Ce film très réussi offre de nombreuses pistes pédagogiques à exploiter en classe avec les élèves de Cycle 2 et de Cycle 3 : en sciences (par l'étude de l'animal bien sûr, mais aussi par exemple en expliquant le fonctionnement d'un ballon), en géographie (on peut retracer sur un atlas le parcours des héros, du désert du Soudan jusqu'à Paris, et comparer les différents types de paysages et de climats traversés), en histoire (en expliquant le contexte de la Restauration, en comparant le Paris d'aujourd'hui au Paris du début du XIXème siècle, ou en abordant la question de l'esclavage), mais aussi en arts visuels (en travaillant sur les paysages et les différences de point de vue : paysage vu du sol / vu d'en haut, de la montgolfière, en créant une collection d'objets sur le modèle de l'imprimé-girafe, en créant de petits personnages comme ceux qu'utilise le vieil homme pour raconter l'histoire…), sans compter les nombreux débats que peut susciter le film.