Violette : l'écrivaine et ses fêlures

Critique

Violette : l'écrivaine et ses fêlures

Après avoir contribué à extirper Séraphine de Senlis des limbes de l'histoire de la peinture, en la faisant connaître au grand public sous les traits de Yolande Moreau (Séraphine, 2007), Martin Provost s’attaque aujourd'hui à une figure d'écrivain, Violette Leduc, incarnée cette fois par Emmanuelle Devos. Les deux personnages sont à la fois proches et différents. Proches au sens où ce sont des destins artistiques qui se révèlent sous l’égide de mentors-pygmalions, Wilhem Ude pour Séraphine, Simone de Beauvoir (Sandrine Kiberlain) pour Violette Leduc. Cela permet au réalisateur de tresser des duos où s’entrecroisent une gamme variée de sentiments liés à la création : désir, respect filial, possessivité, admiration, dépendance, émancipation, rejet… Proches également par une forme de folie qui les isole du monde, autant que celui-ci les rejette, ce qui permet à nouveau à Martin Provost de nourrir les arrière-plans de critique sociale : les bourgeois de Senlis d'abord, mais plus largement un conformisme de la société française, que l'existentialisme va secouer. Que Violette Leduc ait écrit un texte sur Séraphine explique certainement cela.

Mais il s’agit aussi de personnages différents dans la mesure où Séraphine semblait ne pas s’inquiéter de sa condition, tandis que Violette est animée d’une rage contre tout et contre tous, que seule sa relation avec la froide Beauvoir parviendra à apaiser. C'est toutefois plutôt au niveau de la mise en scène que s'exprime la différence entre les deux films : la beauté de Séraphine tenait aussi bien à son pathos tout en retenue qu'à sa picturalité lyrique, qui permettait à l’esprit de s’évader du climat étouffant de la Première Guerre Mondiale et de ses suites. Ces dimensions sont absentes de Violette, la transposition  de la « chose littéraire » (qui plus est brutale chez Leduc) à l’écran, que la structure du film en chapitres exténue au lieu de faire vibrer, s'avérant plus problématique. Ce personnage cumule il est vrai bien des fêlures, certaines révélatrices de son siècle : née femme, non reconnue par son père, mal mariée, contrainte d’avorter, homosexuelle s’attachant sans espoir à des homosexuels, et fêlure suprême, se trouvant extrêmement laide (Emmanuelle Devos a accepté de s’affubler d’un faux nez), Violette devient ainsi la figure étendard d’une marginalité qui va lui faire côtoyer Jean Genet (qui lui dédicacera Les Bonnes) mais aussi Albert Camus, grâce à Simone de Beauvoir et à l’écriture-thérapie.

Découpé en chapitres, Violette se concentre autour du duo Leduc-Beauvoir, ce qui ne laisse pas les autres personnages exister, les réduisant à des silhouettes sans cohérence. Très long (2h19), ce biopic paraît austère et parfois caricatural en opposant trop souvent la fougueuse et folle Violette à la raisonnable et rigide Simone. Rare moment de grâce, la voix de Jeanne Moreau et de son « moi, j’m’en balance »  parvient le temps d’un refrain à nous faire entendre ce qu’aura pu être en son temps la désinvolture que le réalisateur cherche tant à traduire.

Critique

Après avoir contribué à extirper Séraphine de Senlis des limbes de l'histoire de la peinture, en la faisant connaître au grand public sous les traits de Yolande Moreau (Séraphine, 2007), Martin Provost s’attaque aujourd'hui à une figure d'écrivain, Violette Leduc, incarnée cette fois par Emmanuelle Devos. Les deux personnages sont à la fois proches et différents. Proches au sens où ce sont des destins artistiques qui se révèlent sous l’égide de mentors-pygmalions, Wilhem Ude pour Séraphine, Simone de Beauvoir (Sandrine Kiberlain) pour Violette Leduc. Cela permet au réalisateur de tresser des duos où s’entrecroisent une gamme variée de sentiments liés à la création : désir, respect filial, possessivité, admiration, dépendance, émancipation, rejet… Proches également par une forme de folie qui les isole du monde, autant que celui-ci les rejette, ce qui permet à nouveau à Martin Provost de nourrir les arrière-plans de critique sociale : les bourgeois de Senlis d'abord, mais plus largement un conformisme de la société française, que l'existentialisme va secouer. Que Violette Leduc ait écrit un texte sur Séraphine explique certainement cela.

Mais il s’agit aussi de personnages différents dans la mesure où Séraphine semblait ne pas s’inquiéter de sa condition, tandis que Violette est animée d’une rage contre tout et contre tous, que seule sa relation avec la froide Beauvoir parviendra à apaiser. C'est toutefois plutôt au niveau de la mise en scène que s'exprime la différence entre les deux films : la beauté de Séraphine tenait aussi bien à son pathos tout en retenue qu'à sa picturalité lyrique, qui permettait à l’esprit de s’évader du climat étouffant de la Première Guerre Mondiale et de ses suites. Ces dimensions sont absentes de Violette, la transposition  de la « chose littéraire » (qui plus est brutale chez Leduc) à l’écran, que la structure du film en chapitres exténue au lieu de faire vibrer, s'avérant plus problématique. Ce personnage cumule il est vrai bien des fêlures, certaines révélatrices de son siècle : née femme, non reconnue par son père, mal mariée, contrainte d’avorter, homosexuelle s’attachant sans espoir à des homosexuels, et fêlure suprême, se trouvant extrêmement laide (Emmanuelle Devos a accepté de s’affubler d’un faux nez), Violette devient ainsi la figure étendard d’une marginalité qui va lui faire côtoyer Jean Genet (qui lui dédicacera Les Bonnes) mais aussi Albert Camus, grâce à Simone de Beauvoir et à l’écriture-thérapie.

Découpé en chapitres, Violette se concentre autour du duo Leduc-Beauvoir, ce qui ne laisse pas les autres personnages exister, les réduisant à des silhouettes sans cohérence. Très long (2h19), ce biopic paraît austère et parfois caricatural en opposant trop souvent la fougueuse et folle Violette à la raisonnable et rigide Simone. Rare moment de grâce, la voix de Jeanne Moreau et de son « moi, j’m’en balance »  parvient le temps d’un refrain à nous faire entendre ce qu’aura pu être en son temps la désinvolture que le réalisateur cherche tant à traduire.