Trashed©Destiny Films

Trashed : des ordures et des hommes

Critique
de Candida Brady
98 minutes 2016

Une Humanité submergée par l’accumulation de ses propres ordures, obligée de quitter pour de bon une Terre irrémédiablement souillée : c’était le cauchemar apocalyptique que mettait en scène Wall-E (2008), le dessin animé de Disney. À sa plus modeste et réaliste manière, le documentaire Trashed de la journaliste Candida Brady tire également la sonnette d’alarme sur la catastrophe environnementale que représente la gestion des déchets produits par nos sociétés de l’hyper-consommation.

Le film s’inscrit dans la mouvance aujourd’hui bien installée des « documentaires écolos » qui s’efforcent d’attirer l’attention sur les désastres écologiques en cours, sans pour autant rebuter le public par un discours trop pessimiste. Consciente de cet écueil, Candida Brady s’est ainsi attachée à soigner la forme pour faire passer son message : le rythme du film est soutenu, les séquences souvent courtes, et la partition musicale signée Vangelis vient renforcer l’émotion créée par les images de ces montagnes d’ordures. Elle s’est aussi adjoint les services de Jeremy Irons, acteur britannique oscarisé, qui tient le fil rouge du documentaire. Présent à l’écran et en voix-off, le comédien se fait l’alter-ego de la réalisatrice et du spectateur, interrogeant pour eux, les chercheurs et les spécialistes. Irons joue aussi l’apprenti scientifique, sans avoir peur du ridicule, notamment dans une scène amusante où on le voit tenter – avec beaucoup de difficultés – de prélever un échantillon de terre dans un champ proche d’une décharge pour en prouver la toxicité.

Trashed n’est pour autant pas toujours un documentaire accessible. Les processus de gestion des déchets font appel à des notions scientifiques complexes, notions qui ne sont pas toujours suffisamment vulgarisées dans le film. C’est le cas en particulier, dans le dernier segment du film, où Irons s’intéresse aux alternatives envisageables pour traiter les déchets, et notamment à la digestion anaérobie – un procédé naturel de transformation de la matière organique en énergie par des bactéries en l’absence d’oxygène. Pour qui ignore tout de ce procédé, utilisé comme on le voit dans le film dans une prison de San Francisco, les explications données à l’acteur ne seront pas suffisantes pour tout comprendre.

Trashed ne va pas non plus au bout de son ambition militante : si le film montre efficacement les ravages consécutifs à la mauvaise gestion des déchets (dès la première séquence montrant une plage libanaise couverte d’ordures, qui semble sortie d’un tableau impressionniste plutôt que de la réalité), il peine à apporter au spectateur des solutions concrètes qui lui permettraient d’agir à son échelle. Ainsi, lorsque Jeremy Irons rencontre une jeune femme dont la famille (composée de 3 personnes) ne produit qu’un petit sac de déchets par an, la question de savoir comment elle y parvient n’est jamais posée. Si le film permet un réel dévoilement des enjeux de la gestion de nos ordures, il amène aussi à penser qu’il est déjà trop tard pour agir personnellement. C’est d’autant plus dommage que, comme le soulignait l’acteur dans une interview au Guardian, la gestion des déchets « est le problème de tous et la responsabilité de chacun. » ; et que le succès d’un film comme Demain (plus d’un million de spectateurs) a montré que le public était réceptif au discours écologique, pour peu que celui-ci soit porteur d’espoir. Il reste donc au spectateur de continuer la réflexion engendrée par Trashed, pour ne pas s’en tenir à un constat d’impuissance, et construire, des modes d’action concrets et efficaces.