Les Brigades du tigre : le cinéma dans le rétro

Les Brigades du tigre : le cinéma dans le rétro

Les Brigades du Tigre fait partie de ces films dont l’ampleur du budget alloué aux décors et aux costumes justifie une communication à part entière, par exemple via un partenariat avec l’un des magazines d’histoire grand public (cf Kingdom of Heaven de Ridley Scott, Joyeux Noël de Christian Carion).Son origine télévisuelle pouvait faire douter de sa pertinence historique, à l’instar des très ratés Arsène Lupin ou Vidocq : aussi louera-t-on sans réserve l’ambition des scénaristes (Xavier Dorison et Fabien Nury), qui se sont efforcés de frotter leurs personnages à la grande histoire, et d’offrir un panorama assez dense des problématiques de l’avant-guerre… "Les brigades mobiles ont été créées en 1907, expliquent dans Historia, le partenaire du film. Nous nous sommes demandé quels étaient les événements de la période 1907-1914 qui pouvaient servir l’intrigue. Nous avons retenu les emprunts russes, la bande à Bonnot, la préparation de la signature de la Triple Entente, auxquels nous avons ajouté les histoires plus anecdotiques, comme la rivalité entre les brigades et la préfecture de police."Las ! Il aurait fallu une mise en scène inspirée pour relier ces éléments hétéroclites et faire passer le frisson du serial. Au lieu de cela, la reconstitution proprette et l’abus de vedettes dans les rôles secondaires (Gérard Jugnot en chef des Mobilards, Thierry Frémont en russe poseur de bombes) concourent à un puissant sentiment d’artifice. Le personnage de Constance (Diane Kruger), à la fois cheville narrative (c’est elle qui fait le lien entre tous les personnages) et concession au public féminin (il fallait bien un peu de romance dans ce film d’hommes) concentre à lui seul toutes les invraisemblances : princesse russe, elle est la fois femme de l’ambassadeur et maîtresse de Jules Bonnot, metteur en scène d’opéra et activiste révolutionnaire, sans compter une amitié avec Jean Jaurès et un début de béguin avec Valentin.Aussi le film passe hélas un peu à côté de son passionnant sujet : la naissance de la police judiciaire, dans le contexte aussi hédoniste qu’angoissé de la Belle Epoque (on découvre ainsi dans le supplément Historia que la médiatisation de l’insécurité et son instrumentalisation politicienne ne datent pas d’hier). On finit par se demander si le moteur du film n’est pas, plus que l’intérêt pour l’histoire, le goût du rétro (la savate en tricot de peau, les vieilles bagnoles) : celui pour une Belle Epoque restée objet de nostalgie dans l’inconscient français, et celui —plus récent— pour les fleurons de notre patrimoine télévisuel.[Les Brigades du tigre de Jérome Cornuau. 2006. Durée : 1h24min. Distribution : TFM Distribution. Sortie le 12 avril.]

Les Brigades du Tigre fait partie de ces films dont l’ampleur du budget alloué aux décors et aux costumes justifie une communication à part entière, par exemple via un partenariat avec l’un des magazines d’histoire grand public (cf Kingdom of Heaven de Ridley Scott, Joyeux Noël de Christian Carion).Son origine télévisuelle pouvait faire douter de sa pertinence historique, à l’instar des très ratés Arsène Lupin ou Vidocq : aussi louera-t-on sans réserve l’ambition des scénaristes (Xavier Dorison et Fabien Nury), qui se sont efforcés de frotter leurs personnages à la grande histoire, et d’offrir un panorama assez dense des problématiques de l’avant-guerre… "Les brigades mobiles ont été créées en 1907, expliquent dans Historia, le partenaire du film. Nous nous sommes demandé quels étaient les événements de la période 1907-1914 qui pouvaient servir l’intrigue. Nous avons retenu les emprunts russes, la bande à Bonnot, la préparation de la signature de la Triple Entente, auxquels nous avons ajouté les histoires plus anecdotiques, comme la rivalité entre les brigades et la préfecture de police."Las ! Il aurait fallu une mise en scène inspirée pour relier ces éléments hétéroclites et faire passer le frisson du serial. Au lieu de cela, la reconstitution proprette et l’abus de vedettes dans les rôles secondaires (Gérard Jugnot en chef des Mobilards, Thierry Frémont en russe poseur de bombes) concourent à un puissant sentiment d’artifice. Le personnage de Constance (Diane Kruger), à la fois cheville narrative (c’est elle qui fait le lien entre tous les personnages) et concession au public féminin (il fallait bien un peu de romance dans ce film d’hommes) concentre à lui seul toutes les invraisemblances : princesse russe, elle est la fois femme de l’ambassadeur et maîtresse de Jules Bonnot, metteur en scène d’opéra et activiste révolutionnaire, sans compter une amitié avec Jean Jaurès et un début de béguin avec Valentin.Aussi le film passe hélas un peu à côté de son passionnant sujet : la naissance de la police judiciaire, dans le contexte aussi hédoniste qu’angoissé de la Belle Epoque (on découvre ainsi dans le supplément Historia que la médiatisation de l’insécurité et son instrumentalisation politicienne ne datent pas d’hier). On finit par se demander si le moteur du film n’est pas, plus que l’intérêt pour l’histoire, le goût du rétro (la savate en tricot de peau, les vieilles bagnoles) : celui pour une Belle Epoque restée objet de nostalgie dans l’inconscient français, et celui —plus récent— pour les fleurons de notre patrimoine télévisuel.[Les Brigades du tigre de Jérome Cornuau. 2006. Durée : 1h24min. Distribution : TFM Distribution. Sortie le 12 avril.]