Shooting Dogs : le génocide rwandais en images

Shooting Dogs : le génocide rwandais en images

6 avril 1994. A la suite de l’attentat contre le président Habyarimana, le meurtre des Tutsis et des Hutus modérés commence. En trois mois, 800 000 à un million de personnes sont assassinées, sur une population de huit millions d’habitants. Le Rwanda est alors un immense champ de massacre.

C’est ce que donne à voir Shooting Dogs, film focalisant sur un lieu, l’Ecole Technique Officielle (E.T.O.) de Kigali, camp retranché dans lequel se regroupent un prêtre catholique et ses élèves, un jeune coopérant anglais, des soldats belges de l’O.N.U. et des centaines de Tutsis souhaitant ainsi échapper au génocide. L’E.T.O. a en effet été, pendant quelques semaines en avril 2004, un lieu de refuge pour les Rwandais menacés de mort, avant d’être abandonné par l’O.N.U. aux massacreurs. Pendant un temps, le camp n’est donc pas le lieu de l’extermination mais celui de la protection ; c’est le pays tout entier qui équivaut à un camp de la mort.

Deuxième film de fiction sur le génocide de 1994 au Rwanda, Shooting Dogs se veut, tout comme son prédécesseur Hôtel Rwanda, à la fois ancré dans le réel et susceptible de toucher un large public. Comme le dit le réalisateur Michael Caton-Jones dans le site du film, l'identification avec les personnages principaux est censée fédérer le public. Quant à l’ancrage dans le réel, il est sensible par le choix de l’histoire vraie des événements de l’E.T.O., le travail de reconstitution minutieux des massacres grâce aux témoignages et la participation au tournage de survivants du génocide, la localisation du film sur les lieux mêmes de l’épouvantable drame.

L’intérêt spécifique de Shooting Dogs tient à la mise en images de ce génocide. A la différence d’Hôtel Rwanda (dont on pourra revoir la critique dans Le Monde), le film de Michael Caton-Jones tente de faire percevoir l’insoutenable, n’évite pas de désigner les responsabilités, les processus, l’horreur du génocide. Il commence par la préparation du génocide au moyen du recensement des Tutsis, de l’évaluation du nombre et de la motivation des forces de l’O.N.U., des brimades des futures victimes – dont le film désigne clairement les responsables : les milices extrémistes et les hommes politiques hutus. Il se poursuit par les massacres généralisés, tous les Hutus étant exhortés à participer à ce qu’ils appelaient, de façon insoutenable, un "travail". Il s’achève par le départ des soldats de l’O.N.U., force destinée à "surveiller" et non "maintenir" la paix, et des Occidentaux rapatriés par les soldats français. Le film pourra donc ouvrir un débat dans le cadre du programme d’Histoire de Terminale générale sur la question des responsabilités face au génocide, d’autant plus que l’O.N.U. s’est elle-même grandement remise en question à ce sujet (discours de Kofi Annan du 7 avril 2004) et que le débat sur les auteurs de l’attentat du 6 avril est alimenté depuis novembre dernier par la parution du livre très polémique de Pierre Péan. Enfin, les sites de l’Académie de Nancy, du café pédagogique et de la revue Clio en Afrique permettront de recadrer les faits et leurs interprétations, ainsi que les procès de l’après-génocide.

 

[Shooting dogs de Michael Caton-Jones. Durée : 1h54 min. Distribution : Haut et Court. Sortie le 8 mars]

6 avril 1994. A la suite de l’attentat contre le président Habyarimana, le meurtre des Tutsis et des Hutus modérés commence. En trois mois, 800 000 à un million de personnes sont assassinées, sur une population de huit millions d’habitants. Le Rwanda est alors un immense champ de massacre.

C’est ce que donne à voir Shooting Dogs, film focalisant sur un lieu, l’Ecole Technique Officielle (E.T.O.) de Kigali, camp retranché dans lequel se regroupent un prêtre catholique et ses élèves, un jeune coopérant anglais, des soldats belges de l’O.N.U. et des centaines de Tutsis souhaitant ainsi échapper au génocide. L’E.T.O. a en effet été, pendant quelques semaines en avril 2004, un lieu de refuge pour les Rwandais menacés de mort, avant d’être abandonné par l’O.N.U. aux massacreurs. Pendant un temps, le camp n’est donc pas le lieu de l’extermination mais celui de la protection ; c’est le pays tout entier qui équivaut à un camp de la mort.

Deuxième film de fiction sur le génocide de 1994 au Rwanda, Shooting Dogs se veut, tout comme son prédécesseur Hôtel Rwanda, à la fois ancré dans le réel et susceptible de toucher un large public. Comme le dit le réalisateur Michael Caton-Jones dans le site du film, l'identification avec les personnages principaux est censée fédérer le public. Quant à l’ancrage dans le réel, il est sensible par le choix de l’histoire vraie des événements de l’E.T.O., le travail de reconstitution minutieux des massacres grâce aux témoignages et la participation au tournage de survivants du génocide, la localisation du film sur les lieux mêmes de l’épouvantable drame.

L’intérêt spécifique de Shooting Dogs tient à la mise en images de ce génocide. A la différence d’Hôtel Rwanda (dont on pourra revoir la critique dans Le Monde), le film de Michael Caton-Jones tente de faire percevoir l’insoutenable, n’évite pas de désigner les responsabilités, les processus, l’horreur du génocide. Il commence par la préparation du génocide au moyen du recensement des Tutsis, de l’évaluation du nombre et de la motivation des forces de l’O.N.U., des brimades des futures victimes – dont le film désigne clairement les responsables : les milices extrémistes et les hommes politiques hutus. Il se poursuit par les massacres généralisés, tous les Hutus étant exhortés à participer à ce qu’ils appelaient, de façon insoutenable, un "travail". Il s’achève par le départ des soldats de l’O.N.U., force destinée à "surveiller" et non "maintenir" la paix, et des Occidentaux rapatriés par les soldats français. Le film pourra donc ouvrir un débat dans le cadre du programme d’Histoire de Terminale générale sur la question des responsabilités face au génocide, d’autant plus que l’O.N.U. s’est elle-même grandement remise en question à ce sujet (discours de Kofi Annan du 7 avril 2004) et que le débat sur les auteurs de l’attentat du 6 avril est alimenté depuis novembre dernier par la parution du livre très polémique de Pierre Péan. Enfin, les sites de l’Académie de Nancy, du café pédagogique et de la revue Clio en Afrique permettront de recadrer les faits et leurs interprétations, ainsi que les procès de l’après-génocide.

 

[Shooting dogs de Michael Caton-Jones. Durée : 1h54 min. Distribution : Haut et Court. Sortie le 8 mars]