Zone libre. L’Occupation au quotidien

Zone libre. L’Occupation au quotidien

Peu de temps après le néerlandais Paul Verhoeven et son Black Book, c’est au tour de l’acteur Christophe Malavoy de s’inspirer, pour son premier film sur grand écran, de la période de l’Occupation, avec l’adaptation d’une pièce de Jean-Claude Grumberg, Zone libre. Une famille juive de Paris, les Schwartz, guidée par Simon, réussit à passer la ligne de démarcation et trouve refuge en zone sud où elle est accueillie et cachée par un paysan, Maury, lequel vit au fin fond d’un village de Charente en compagnie de sa bru, dont le mari est prisonnier en Allemagne, et de son petit-fils. C’est la rencontre de deux mondes, et la découverte, pour les Schwartz, des affres de la clandestinité. Commencée dans les brouillards et la boue de l’automne 1942, juste avant l’invasion de la zone libre, le film se termine sous le soleil radieux et dans les blés foisonnants de l’été de la Libération.Le film présente un intérêt pédagogique certain, dans toute séquence, de Première ou de Terminale, sur la Seconde Guerre mondiale. Le conflit lui-même, dans sa dimension politique et militaire, n’apparaît qu’en filigrane dans le film, simplement évoqué, par des images furtives qui permettent cependant d’en retracer le fil chronologique. La photo du fils prisonnier, qui rappelle la Débâcle ; la présence d’un gradé allemand dans une voiture qui symbolise l’invasion de la zone sud ; le vrombissement d’un bombardier et les échos d’une Marseillaise qui évoquent la Libération. La politique antisémite de Vichy est, elle, un peu plus présente : la fuite de la famille Schwartz, quelques scènes furtives de descentes et d’arrestations, une lettre qui évoque le camp de Drancy, enfin et surtout le cas, intéressant, de M. Apfelbaum, qui affiche résolument sa citoyenneté et sa judéité, et apprend avec stupeur qu’il peut désormais, à tout moment, être "dénaturalisé".Plus central, le thème des conditions de vie durant l’Occupation, dont le film donne une image juste et contrastée ; d’un côté, les difficultés des populations obligées de fuir et de se cacher, le désarroi psychologique, l’incertitude du lendemain, les doutes, la peur : on a là une précieuse évocation des conséquences psychologiques de la guerre ; de l’autre, la vie qui continue, presque comme avant, au fond de la campagne, où gibier, saucissons et légumes foisonnent, où le rationnement n’existe pas. On voit également le stress permanent, des "cachés" et des "cacheurs", l’ingéniosité et le courage dont il faut faire preuve pour ne pas être pris. Les Allemands sont là, pas très loin, mais peu présents dans le film, seulement sous forme de rumeur et de sourde menace ; ce sont surtout les gendarmes français qui rôdent à la recherche des réfugiés : autre aspect intéressant qui permet d’évoquer, avec les élèves, les modalités de l’occupation allemande en France, et surtout la politique de collaboration.La Résistance elle aussi est présente dans le film, dans ses dimensions passive et active : avec Maury bien sûr, qui cache des juifs et ment, roublard, aux autorités, avec un jeune du village qui refuse de partir au S.T.O., mais aussi avec Simon, qui finit par rejoindre le maquis lorsque arrive la Libération – moyen d’évoquer les ralliements tardifs à la Résistance, même si, dans le cas du personnage du film, on est loin d’un "retournement de veste" de dernière minute.Enfin on pourra s’arrêter sur la situation à la Libération : l’espoir retrouvé bien sûr, le retour à Paris, mais aussi les renversements de situation et la perte de repères qui pourraient pousser certains à commettre l’irréparable…Au delà donc des faits historiques qu’il évoque par touches successives, et qui permettent de brosser un tableau assez complet de la Seconde Guerre mondiale, mais qu’on ne trouvera qu’en arrière-plan, Zone libre nous livre une histoire humaine, dans tous les sens du terme. Il nous fait voir les conséquences très concrètes, dans la vie quotidienne, de la guerre et de l’occupation, en nous faisant partager l’intimité d’une famille de réfugiés et de leurs sauveurs. Aux antipodes d’un Jour le plus long (voir cette fiche pédagogique) ou d’un Pétain, et dans la tradition de La Ligne démarcation ou de Lacombe Lucien, il ne nous montre que des victimes et des héros ordinaires, dans leurs doutes et leur sincérité, sans complaisance exagérée ni gravité compatissante.

[Zone libre de Christophe Malavoy. 2005. Durée : 1 h 44. Distribution : TFM. Sortie le 17 janvier]

Peu de temps après le néerlandais Paul Verhoeven et son Black Book, c’est au tour de l’acteur Christophe Malavoy de s’inspirer, pour son premier film sur grand écran, de la période de l’Occupation, avec l’adaptation d’une pièce de Jean-Claude Grumberg, Zone libre. Une famille juive de Paris, les Schwartz, guidée par Simon, réussit à passer la ligne de démarcation et trouve refuge en zone sud où elle est accueillie et cachée par un paysan, Maury, lequel vit au fin fond d’un village de Charente en compagnie de sa bru, dont le mari est prisonnier en Allemagne, et de son petit-fils. C’est la rencontre de deux mondes, et la découverte, pour les Schwartz, des affres de la clandestinité. Commencée dans les brouillards et la boue de l’automne 1942, juste avant l’invasion de la zone libre, le film se termine sous le soleil radieux et dans les blés foisonnants de l’été de la Libération.Le film présente un intérêt pédagogique certain, dans toute séquence, de Première ou de Terminale, sur la Seconde Guerre mondiale. Le conflit lui-même, dans sa dimension politique et militaire, n’apparaît qu’en filigrane dans le film, simplement évoqué, par des images furtives qui permettent cependant d’en retracer le fil chronologique. La photo du fils prisonnier, qui rappelle la Débâcle ; la présence d’un gradé allemand dans une voiture qui symbolise l’invasion de la zone sud ; le vrombissement d’un bombardier et les échos d’une Marseillaise qui évoquent la Libération. La politique antisémite de Vichy est, elle, un peu plus présente : la fuite de la famille Schwartz, quelques scènes furtives de descentes et d’arrestations, une lettre qui évoque le camp de Drancy, enfin et surtout le cas, intéressant, de M. Apfelbaum, qui affiche résolument sa citoyenneté et sa judéité, et apprend avec stupeur qu’il peut désormais, à tout moment, être "dénaturalisé".Plus central, le thème des conditions de vie durant l’Occupation, dont le film donne une image juste et contrastée ; d’un côté, les difficultés des populations obligées de fuir et de se cacher, le désarroi psychologique, l’incertitude du lendemain, les doutes, la peur : on a là une précieuse évocation des conséquences psychologiques de la guerre ; de l’autre, la vie qui continue, presque comme avant, au fond de la campagne, où gibier, saucissons et légumes foisonnent, où le rationnement n’existe pas. On voit également le stress permanent, des "cachés" et des "cacheurs", l’ingéniosité et le courage dont il faut faire preuve pour ne pas être pris. Les Allemands sont là, pas très loin, mais peu présents dans le film, seulement sous forme de rumeur et de sourde menace ; ce sont surtout les gendarmes français qui rôdent à la recherche des réfugiés : autre aspect intéressant qui permet d’évoquer, avec les élèves, les modalités de l’occupation allemande en France, et surtout la politique de collaboration.La Résistance elle aussi est présente dans le film, dans ses dimensions passive et active : avec Maury bien sûr, qui cache des juifs et ment, roublard, aux autorités, avec un jeune du village qui refuse de partir au S.T.O., mais aussi avec Simon, qui finit par rejoindre le maquis lorsque arrive la Libération – moyen d’évoquer les ralliements tardifs à la Résistance, même si, dans le cas du personnage du film, on est loin d’un "retournement de veste" de dernière minute.Enfin on pourra s’arrêter sur la situation à la Libération : l’espoir retrouvé bien sûr, le retour à Paris, mais aussi les renversements de situation et la perte de repères qui pourraient pousser certains à commettre l’irréparable…Au delà donc des faits historiques qu’il évoque par touches successives, et qui permettent de brosser un tableau assez complet de la Seconde Guerre mondiale, mais qu’on ne trouvera qu’en arrière-plan, Zone libre nous livre une histoire humaine, dans tous les sens du terme. Il nous fait voir les conséquences très concrètes, dans la vie quotidienne, de la guerre et de l’occupation, en nous faisant partager l’intimité d’une famille de réfugiés et de leurs sauveurs. Aux antipodes d’un Jour le plus long (voir cette fiche pédagogique) ou d’un Pétain, et dans la tradition de La Ligne démarcation ou de Lacombe Lucien, il ne nous montre que des victimes et des héros ordinaires, dans leurs doutes et leur sincérité, sans complaisance exagérée ni gravité compatissante.

[Zone libre de Christophe Malavoy. 2005. Durée : 1 h 44. Distribution : TFM. Sortie le 17 janvier]