This is England © Ad Vitam distribution

Âge tendre et tête de skin

Critique
de Shane Meadows
97 minutes 2007

Musique, mode, langage : une bonne partie du plaisir que distille This is England tient à la qualité de sa reconstitution historique, celle d’une époque et d’un milieu social et culturel. L’époque, c’est l’Angleterre du début des années quatre-vingt, comme nous le rappelle le générique constitué d’images d’archive : l'Angleterre du mariage de Diana Spencer et du Prince Charles, de la guerre des Malouines (de mars à juin 1982), et de la révolution conservatrice de Margaret Thatcher (élue en mai 1979). Le milieu social et culturel, c’est le "mouvement Skinhead", et son évolution à la même période. Si le terme est en France irrémédiablement associé à la droite extrême, le film lui restitue toute sa complexité historique : mouvement de jeunesse né dès les années 60, il évoluera au gré des modes musicales et bouleversements sociaux du demi-siècle suivant. La bande de jeunes lads excentrique et métissée, fan de ska (The Specials, Madness…) et de fringues (la panoplie : Doc Martens, Fred Perry, Lonsdale…), est progressivement gangrenée par le nationalisme et le racisme du National Front, sur front de crise économique et de désarroi identitaire.

On suivra cette évolution à travers les yeux de Shaun, poignant gamin (interprété par Thomas Turgoose, troublant sosie du Tambour de Volker Schöndorff, David Bennent) qui trouve dans la joyeuse bande une famille d’adoption, puis dans l’inquiétant Combo un père de substitution (le sien est mort aux Malouines). Chaleureux et subtil dans sa première partie (l’adoption de Shaun par la bande), fort et inquiétant dans la deuxième (l’irruption de Combo, l’enrôlement des plus faibles au service de ses thèses), le film devient hélas bien trop démonstratif dans son dernier tiers : aussi bien dans le basculement scénaristique trop programmé vers la violence, que dans l’insistante lecture psychologique (l’absence du père).