Elle s'appelait Sarah©UGC Distribution

Elle s'appelait Sarah : mémoire(s) du Vél d'Hiv'

Critique
de Gilles Paquet-Brenner
111 minutes 2010

Il paraît que les grands livres ne font pas les meilleurs films. En adaptant Elle s'appelait Sarah de Tatiana de Rosnay, le réalisateur Gilles Paquet-Brenner n'aura pas fait mentir l'adage. Non que ce best-seller international, publié à l'origine en anglais sous le titre de Sarah's key, soit un mauvais roman : mais ses nombreuses qualités (richesse thématique et symbolique, tension dramatique, construction narrative) autant que son principal défaut (d'ambition proprement littéraire) sont les plus propices à une transposition filmique. Elle s'appelait Sarah raconte l'histoire croisée d'une petite fille (la Sarah du titre) emportée avec sa famille dans la rafle du Vél'd'Hiv' et d'une journaliste franco-américaine (Julia Jarmond) qui, de nos jours, enquête sur l'événement ; deux fils narratifs qui ne tarderont évidemment pas à se rejoindre, quand Julia découvrira que l'histoire de Sarah ne lui est pas étrangère, en même temps qu'elle apprend son tragique secret.

Ce procédé du récit-enquête entremêlant les époques, et la dimension tragique du personnage de Sarah (elle provoque la mort de son petit frère en essayant de le sauver) sont les deux grandes qualités du roman de Tatiana de Rosnay (qu'on pourrait rapprocher d'Un Secret de Philippe Grimbert, porté à l'écran par Claude Miller). Gilles Paquet-Brenner a la bonne idée d'en faire les atouts de son films, en choisissant notamment de respecter la structure narrative du livre : la montée de la tension dramatique va ici de pair avec une progression réflexive. Mais le plus fort est sans doute la façon dont le réalisateur parvient à trouver le ton juste pour les deux époques : l'enquête de Julia Jarmond (Kristin Scott-Thomas, parfaite) ne paraît jamais artificielle ni manichéenne dans son exploration des mémoires (ou des amnésies) françaises. Et le film se tire avec beaucoup de justesse et d'élégance de la représentation du Vél'd'Hiv', choisissant de s'en tenir au strict point de vue de la petite Sarah, elle-même trop concentrée (sur le sort de son frère) pour s'appesantir sur ce qui se passe autour d'elle. On regrettera juste la blondeur un peu trop angélique du personnage de Sarah enfant (la petite Mélusine Mayance), qui vire ensuite à l'image d'Epinal (Sarah adolescente en belle des champs hantée par son lourd passé).