Jacquou le Croquant, héros moderne

Jacquou le Croquant, héros moderne

Une fois n’est pas coutume, commençons par la fin et signalons les remarquables outils pédagogiques réalisés par un groupe d’enseignants et mis à la disposition de leurs collègues sur le site officiel du film ("espace enseignants"). Les professeurs d’Histoire-Géographie et de Français y seront à la fête : ils ont la possibilité d’y télécharger plusieurs scènes-clés du film afin de les exploiter avec leurs élèves. Pour les aider a été mis en ligne un ensemble de supports riches et variés : documents littéraires, historiques, croquis du costumier, photogrammes du film. Ces documents sont abondamment commentés et classés par thèmes, choisis en résonance avec les programmes du collège et du lycée ("le monde rural, Napoléon, la Restauration, la fête, la justice, la révolte"). L’étude peut également s’enrichir du dossier spécial consacré au film par le mensuel Historia, compilant de nombreux articles de spécialistes, sur "La France campée dans ses sabots" ou "Louis-Philippe rétablit l'ordre juste". Le tout permettait donc d’envisager un travail riche et passionnant. Las, tout cet appareillage pédagogique semble destiné plutôt à combler les lacunes du film qu'à pour exploiter ses qualités.Comme ces "restaurateurs" d’immeubles haussmanniens qui gardent la façade pour mieux recomposer l’intérieur, Laurent Boutonnat et ses scénaristes ont en effet vidé le roman d’Eugène Le Roy de toute la substance dont les enseignants auraient pu faire leur miel : exeunt la langue d’oc (dans le roman d’origine, Jacquou dit "le Croquant" en référence aux révoltes paysannes de Guyenne sous Louis XIII, est analphabète en français lorsqu’il est recueilli par le curé Bonal), la notion de progrès social chère à Eugène le Roy (Jacquou naît ici fils d’un colonel d’Empire), et surtout toute la description de la vie miséreuse des paysans de la première moitié du XIXe siècle dans une région reculée et arriérée. Comme l’auteur l’explique lui-même sur le site du film "On n’a gardé que ce qui nous paraissait le plus excitant, le plus cinématographique". La jacquerie contre le comte de Nansac, menée par un Jacquou héroïque en diable, est donc plutôt le prétexte à une fresque spectaculaire rythmée par des bagarres (beaucoup) et de l’amour (un peu). L’aspect historique présent en filigrane, pourrait à la rigueur être utilisé au collège en classe de quatrième : 1815 et 1830 sont les deux moments du film et l’on y sent la réaction ultra après la chute de Napoléon en 1815 tandis qu’à la fin du film, la vengeance de Jacquou coïncide avec la révolution parisienne et l’abdication de Charles X.

[Jacquou le Croquant de Laurent Boutonnat. 2006. Durée : 2 h 30. Distribution : Pathé Distribution. Sortie le 17 janvier]

Une fois n’est pas coutume, commençons par la fin et signalons les remarquables outils pédagogiques réalisés par un groupe d’enseignants et mis à la disposition de leurs collègues sur le site officiel du film ("espace enseignants"). Les professeurs d’Histoire-Géographie et de Français y seront à la fête : ils ont la possibilité d’y télécharger plusieurs scènes-clés du film afin de les exploiter avec leurs élèves. Pour les aider a été mis en ligne un ensemble de supports riches et variés : documents littéraires, historiques, croquis du costumier, photogrammes du film. Ces documents sont abondamment commentés et classés par thèmes, choisis en résonance avec les programmes du collège et du lycée ("le monde rural, Napoléon, la Restauration, la fête, la justice, la révolte"). L’étude peut également s’enrichir du dossier spécial consacré au film par le mensuel Historia, compilant de nombreux articles de spécialistes, sur "La France campée dans ses sabots" ou "Louis-Philippe rétablit l'ordre juste". Le tout permettait donc d’envisager un travail riche et passionnant. Las, tout cet appareillage pédagogique semble destiné plutôt à combler les lacunes du film qu'à pour exploiter ses qualités.Comme ces "restaurateurs" d’immeubles haussmanniens qui gardent la façade pour mieux recomposer l’intérieur, Laurent Boutonnat et ses scénaristes ont en effet vidé le roman d’Eugène Le Roy de toute la substance dont les enseignants auraient pu faire leur miel : exeunt la langue d’oc (dans le roman d’origine, Jacquou dit "le Croquant" en référence aux révoltes paysannes de Guyenne sous Louis XIII, est analphabète en français lorsqu’il est recueilli par le curé Bonal), la notion de progrès social chère à Eugène le Roy (Jacquou naît ici fils d’un colonel d’Empire), et surtout toute la description de la vie miséreuse des paysans de la première moitié du XIXe siècle dans une région reculée et arriérée. Comme l’auteur l’explique lui-même sur le site du film "On n’a gardé que ce qui nous paraissait le plus excitant, le plus cinématographique". La jacquerie contre le comte de Nansac, menée par un Jacquou héroïque en diable, est donc plutôt le prétexte à une fresque spectaculaire rythmée par des bagarres (beaucoup) et de l’amour (un peu). L’aspect historique présent en filigrane, pourrait à la rigueur être utilisé au collège en classe de quatrième : 1815 et 1830 sont les deux moments du film et l’on y sent la réaction ultra après la chute de Napoléon en 1815 tandis qu’à la fin du film, la vengeance de Jacquou coïncide avec la révolution parisienne et l’abdication de Charles X.

[Jacquou le Croquant de Laurent Boutonnat. 2006. Durée : 2 h 30. Distribution : Pathé Distribution. Sortie le 17 janvier]