Ressources pédagogiques

Jeannette ou l'enfance de Jeanne : Highway to hell


Mais quelle mouche a donc piqué Bruno Dumont avec son dernier film, Jeannette, ou l'enfance de Jeanne présenté à la Quinzaine des réalisateurs ? Le réalisateur au cinéma empreint d’une présence évangélique (sur le mode "les derniers seront les premiers"), nous propose une comédie musicale aux paroles signées Charles Péguy sur une musique contemporaine aux accents tour à tour heavy metal ou R&B, mettant en scène Jeanne d'Arc à huit puis quatorze ans dans le décor (somptueux) des plages du Nord déjà arpenté avec Ma Loute.Bâti en dyptique autour du drame mystique de Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc (1910) reprenant ses personnages, comme Hauviette et Madame Gervaise, le film nous met en présence d'une petite bergère ébranlée par la présence des Anglais sur le sol de France et qui veut partir en guerre pour les en chasser et rétablir le royaume de France comme fille aînée de l'Eglise. On se dit que peut-être Dumont veut réaliser son grand œuvre, comme Pasolini l’athée avec son Évangile selon Saint Matthieu. Mais contrairement à Pasolini, l'anachronisme saute aux yeux de tout spectateur que la foi questionne : qui se soucie en effet aujourd'hui de la place de la France dans la Chrétienté ? Cet anachronisme est rehaussé par une bande-son et des chorégraphies (signées par Philippe Découflé) résolument contemporaines.Le spectateur s'interroge sur cette réappropriation par Dumont d'une figure du roman national, jusqu'alors préemptée par l’extrême-droite. Les paysages sublimes et la caméra bienveillante posée sur les petites comédiennes ne semblent pas laisser de place à l’ironie, alors que dans le même temps le réalisateur ne nous épargne pas, comme autant de facéties, des passages plus loufoques : madame Gervaise se dédoublant sur du heavy metal, les saints apparaissant à Jeanne sur la chorégraphie d'Uma Thurman dans Pulp Fiction, ou l'oncle de Jeanne joué par un adolescent slammeur, façon Grand corps malade, particulièrement maladroit.Cet ensemble disparate et déconcertant ne parvient toutefois pas à faire oublier la violence de cet appel à la guerre placé dans la bouche d'une petite puis d'une jeune fille, violence qui s’exprime également à travers des transes dignes du public d'AC/DC. Alors surgit une possible interprétation : ne le reconnaît-on pas autour de nous cet engagement mystique qui frappe des jeunes gens partant s'engager dans une guerre qui ne les concerne pas ? En suivant ce fil, on remarquera que Jeannette, mentant à ses parents pour les protéger, ressemble furieusement à ces jeunes qui pratiquent la taqiyya (la dissimulation), et que la comédie musicale rappelle ces clips diffusés sur le net pour attraper dans les filets de la foi les jeunes esprits avides de justice et de transcendance.Il y a donc un malaise profond qui naît de ce spectacle, celui qui rapproche l'icône du Front National du comportement de ces jeunes radicalisés que ce même FN abomine. Le nouveau film de Bruno Dumont aura peut-être contribué à démasquer cette imposture. Pour le reste il constitue une expérience pour le moins déroutante.Jeannette ou l'enfance de Jeanne de Bruno Dumont, 2017, France, Durée : 105 mnQuinzaine des Réalisateurs


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