La France : la Grande Guerre en mode mineur

La France : la Grande Guerre en mode mineur

La boue des tranchées, le vacarme des bombardements, la peur d'aller au casse-pipe : à mesure que les derniers témoins visuels disparaissent, le cinéma forge, film après film (Les Ames grises, Joyeux Noël), une représentation canonique de la "Grande Guerre". Derrière un titre aux apparences bleu horizon, La France de Serge Bozon se démarque consciencieusement de ces images d'Epinal : le paysage y est verdoyant, presque bucolique, et l'atmosphère presque féérique, même si la peur rôde…Pas sûr que La France en ait cure : même s'il y puise des éléments assez précis (les désertions, le rôle des femmes à l'arrière), le film s'affronte moins à l'Histoire qu'à des référents cinématographiques (le genre du film de guerre, "au sens, disons, de Walsh/Fuller, où l’on suit des unités mobiles en route vers une certaine destination.", dixit Serge Bozon) musicaux (à travers les quatre chansons interprétés "live" par les poilus), ou littéraires (réminiscences de Stevenson et surtout de L'Atlantide de Pierre Benoît). Le désir initial de Serge Bozon était d'ailleurs de placer son film au moment de la Guerre d'Algérie, ce qui constitue un tout autre horizon historiographique et cinématographique !Soit donc une errance ou une ballade, celle d'un groupe de poilus qui cherche à échapper au front, et d'une jeune femme qui s'agrège à la troupe : Camille (Sylvie Testud) travestie en homme, qui cherche à y monter pour retrouver son compagnon mobilisé. Le film coule comme une rivière, avec ses longs biefs, ses moments de calme, et ses rapides, brusques accélérations dramatiques. Il s'en dégage un charme assez prenant, et, on l'a dit, féérique, lié au mélange de préciosité et de rudesse (dans le jeu des acteurs, dans ces étonnantes chansons, très écrites et travaillées mais enregistrées en pleine nature sur des instruments de fortune), mais aussi et surtout à l'humanité et à la douceur avec lesquels le cinéaste regarde ces soldats.Non pas un film réaliste donc, mais une tentative assez originale de rêverie historique qui pourra intéresser les enseignants de Lettres plutôt que leurs homologues historiens, notamment sur la thématique de la représentation (ici elle est présente à l'état diffus, comme un "horizon") de la guerre.[La France de Serge Bozon. 2006. Durée : 1 h 42. Distribution : Shellac. Sortie le 21 novembre 2007]

La boue des tranchées, le vacarme des bombardements, la peur d'aller au casse-pipe : à mesure que les derniers témoins visuels disparaissent, le cinéma forge, film après film (Les Ames grises, Joyeux Noël), une représentation canonique de la "Grande Guerre". Derrière un titre aux apparences bleu horizon, La France de Serge Bozon se démarque consciencieusement de ces images d'Epinal : le paysage y est verdoyant, presque bucolique, et l'atmosphère presque féérique, même si la peur rôde…Pas sûr que La France en ait cure : même s'il y puise des éléments assez précis (les désertions, le rôle des femmes à l'arrière), le film s'affronte moins à l'Histoire qu'à des référents cinématographiques (le genre du film de guerre, "au sens, disons, de Walsh/Fuller, où l’on suit des unités mobiles en route vers une certaine destination.", dixit Serge Bozon) musicaux (à travers les quatre chansons interprétés "live" par les poilus), ou littéraires (réminiscences de Stevenson et surtout de L'Atlantide de Pierre Benoît). Le désir initial de Serge Bozon était d'ailleurs de placer son film au moment de la Guerre d'Algérie, ce qui constitue un tout autre horizon historiographique et cinématographique !Soit donc une errance ou une ballade, celle d'un groupe de poilus qui cherche à échapper au front, et d'une jeune femme qui s'agrège à la troupe : Camille (Sylvie Testud) travestie en homme, qui cherche à y monter pour retrouver son compagnon mobilisé. Le film coule comme une rivière, avec ses longs biefs, ses moments de calme, et ses rapides, brusques accélérations dramatiques. Il s'en dégage un charme assez prenant, et, on l'a dit, féérique, lié au mélange de préciosité et de rudesse (dans le jeu des acteurs, dans ces étonnantes chansons, très écrites et travaillées mais enregistrées en pleine nature sur des instruments de fortune), mais aussi et surtout à l'humanité et à la douceur avec lesquels le cinéaste regarde ces soldats.Non pas un film réaliste donc, mais une tentative assez originale de rêverie historique qui pourra intéresser les enseignants de Lettres plutôt que leurs homologues historiens, notamment sur la thématique de la représentation (ici elle est présente à l'état diffus, comme un "horizon") de la guerre.[La France de Serge Bozon. 2006. Durée : 1 h 42. Distribution : Shellac. Sortie le 21 novembre 2007]