Oss 117 : de l'humour comme catégorie historique

Oss 117 : de l'humour comme catégorie historique

En sortant diverti et déridé du cinéma samedi soir, au milieu d’un public nombreux et manifestement mélangé (fans de Brice et lecteurs du Monde), on s’est demandé si OSS 117, Le Caire nid d’espions ne méritait pas une petite notule sur Zéro de conduite :1/ Parce que l’exercice subtil et minutieux du pastiche (rare au cinéma, médium plus enclin à la parodie), permettrait à lui seul un travail original et ludique en option Cinéma ou en Français (les réécritures en Première L).Comparer le film aux James Bond ou aux Hitchcock des années 50-60 permet ainsi de mettre en valeur tous les aspects du langage cinématographique, du choix des focales au jeu de l’acteur en passant par l’écriture des dialogues : "Avec le chef opérateur, Guillaume Schiffman, on a toujours cherché à reproduire une syntaxe cinématographique datée, en gardant presque toujours la même focale. (…) On a utilisé des transparences pour les scènes de voitures, il y a une nuit américaine, des ombres portées, etc. La musique a elle aussi été composée pour coller au plus près les variations de chaque scène : le compositeur marque musicalement les péripéties comme dans les cartoons. La gestuelle de Jean Dujardin est elle aussi très référencée et sa diction imite le ton des doublages français, avec chaque syllabe clairement articulée. Le cinéma de cette époque fonctionnait sur des signes de ce genre." (le réalisateur Michel Hazanavicius dans une interview accordée à Libération).2/ En ressuscitant le style et le discours d’un certain cinéma (et d’une littérature) très daté, le film nous donne ainsi à saisir moins les faits, interprétés de manière plus que fantaisiste (occasion de rappeler aux élèves les vraies causes et le déroulement de la crise de Suez), que l’idéologie d’une époque. Comme l’écrit très sérieusement Isabelle Régnié dans Le Monde, les modèles que ressuscite le film " … ont pris une dimension de témoignage, aussi consternant que désopilant, sur la société française de la fin de l'ère coloniale. Et en ces temps de controverse sur la colonisation, ils deviennent presque des pièces à conviction. OSS 117 (…) est le reflet d'une France à bout de souffle, incapable de prendre la mesure de l'effervescence qui secoue ses colonies (…)". Le programme d’Histoire des Terminale laisse après tout une place à l’évolution des pratiques sociales et culturelles, des mentalités et croyances de la France depuis 1945. L’humour est-il incompatible avec la pratique de l’histoire ?3/ Enfin et surtout, on peut se demander si le rire provoqué par d’Oss 117 ne fait pas plus et mieux pour une certaine "réconciliation nationale" (cf les polémiques sur le passé colonial de la France, la révolte des "Indigènes de la République") que tant de discours de contrition, de brûlots accusateurs, ou de prêchi prêcha bien-pensants.L’humour du film, qui joue sur l’intelligence du spectateur (sa plus grande familiarité avec le monde "arabo-musulman", sa connaissance de l’histoire et de l’actualité) et n’oublie pas une certaine tendresse (Hubert est plus bête que méchant), n’est-il pas le meilleur antidote à l’inconscient (raciste, machiste, homophobe, en un mot "franchouillard") que la France d’aujourd’hui a hérité de ces années-là ?

En sortant diverti et déridé du cinéma samedi soir, au milieu d’un public nombreux et manifestement mélangé (fans de Brice et lecteurs du Monde), on s’est demandé si OSS 117, Le Caire nid d’espions ne méritait pas une petite notule sur Zéro de conduite :1/ Parce que l’exercice subtil et minutieux du pastiche (rare au cinéma, médium plus enclin à la parodie), permettrait à lui seul un travail original et ludique en option Cinéma ou en Français (les réécritures en Première L).Comparer le film aux James Bond ou aux Hitchcock des années 50-60 permet ainsi de mettre en valeur tous les aspects du langage cinématographique, du choix des focales au jeu de l’acteur en passant par l’écriture des dialogues : "Avec le chef opérateur, Guillaume Schiffman, on a toujours cherché à reproduire une syntaxe cinématographique datée, en gardant presque toujours la même focale. (…) On a utilisé des transparences pour les scènes de voitures, il y a une nuit américaine, des ombres portées, etc. La musique a elle aussi été composée pour coller au plus près les variations de chaque scène : le compositeur marque musicalement les péripéties comme dans les cartoons. La gestuelle de Jean Dujardin est elle aussi très référencée et sa diction imite le ton des doublages français, avec chaque syllabe clairement articulée. Le cinéma de cette époque fonctionnait sur des signes de ce genre." (le réalisateur Michel Hazanavicius dans une interview accordée à Libération).2/ En ressuscitant le style et le discours d’un certain cinéma (et d’une littérature) très daté, le film nous donne ainsi à saisir moins les faits, interprétés de manière plus que fantaisiste (occasion de rappeler aux élèves les vraies causes et le déroulement de la crise de Suez), que l’idéologie d’une époque. Comme l’écrit très sérieusement Isabelle Régnié dans Le Monde, les modèles que ressuscite le film " … ont pris une dimension de témoignage, aussi consternant que désopilant, sur la société française de la fin de l'ère coloniale. Et en ces temps de controverse sur la colonisation, ils deviennent presque des pièces à conviction. OSS 117 (…) est le reflet d'une France à bout de souffle, incapable de prendre la mesure de l'effervescence qui secoue ses colonies (…)". Le programme d’Histoire des Terminale laisse après tout une place à l’évolution des pratiques sociales et culturelles, des mentalités et croyances de la France depuis 1945. L’humour est-il incompatible avec la pratique de l’histoire ?3/ Enfin et surtout, on peut se demander si le rire provoqué par d’Oss 117 ne fait pas plus et mieux pour une certaine "réconciliation nationale" (cf les polémiques sur le passé colonial de la France, la révolte des "Indigènes de la République") que tant de discours de contrition, de brûlots accusateurs, ou de prêchi prêcha bien-pensants.L’humour du film, qui joue sur l’intelligence du spectateur (sa plus grande familiarité avec le monde "arabo-musulman", sa connaissance de l’histoire et de l’actualité) et n’oublie pas une certaine tendresse (Hubert est plus bête que méchant), n’est-il pas le meilleur antidote à l’inconscient (raciste, machiste, homophobe, en un mot "franchouillard") que la France d’aujourd’hui a hérité de ces années-là ?