Ponyo sur la falaise : l’expérience du sublime
Le nouveau film d’Hayao Miyazaki, en apparence plus simple et enfantin que ne l’étaient Le Voyage de Chihiro ou Le Château ambulant, nous procure une satisfaction jubilatoire. Précis, Miyazaki rend palpable la simplicité du monde de l’enfance et nous fait accéder à ce pur plaisir d’exister qui le caractérise. Ponyo n’est qu’appétit, aussi bien dans son adoration de la nourriture des hommes que dans sa détermination à devenir humaine.Poisson à visage humain, Ponyo vit sous la mer avec son père, un sorcier qui déteste les hommes, et ses sœurs. Elle décide un jour, contre la volonté de celui-ci, de partir explorer le monde. Piégée par un pot de confiture, elle est sauvée par Sosuke, un garçon de cinq ans qui lui fait la promesse de toujours la protéger. Ponyo sur la falaise est le récit d’une histoire d’amour entre deux enfants, séparés parce qu’ils appartiennent à deux mondes différents, de leur persévérance à se retrouver et à rester ensemble.Sa vision du film est née alors que Miyazaki observait l’océan pendant une tempête. Le point culminant du récit, et sa réalisation grandiose, est effectivement ce moment où, alors que Ponyo se sauve à nouveau pour rejoindre Sosuke, les éléments se déchaînent afin de l’aider ; la mer est démontée et des vagues gigantesques aux yeux de poisson déferlent terrifiantes jusqu’à engloutir la ville. Paradoxalement, après la disparition de la ville sous les eaux, les hommes sur des barques s’organisent, se cherchent, s’entraident, sans qu’il n’y ait à aucun moment ni étonnement, ni désespoir, ni cris, ni larmes. De ce raz-de-marée n’est gardée que l’expérience esthétique de ce que Kant appelle le sublime. Sidérés par un tel spectacle, les hommes découvrent une part de leur être irréductible à cette nature déchaînée, leur moralité. En décidant de mettre en avant leur sagesse, Miyazaki porte sur eux un regard bienveillant. La nature ne reprend pas ses droits contre les hommes mais en accord avec eux. Il n’y a ni opposition, ni tension, ni lutte entre les hommes et les « divinités ».Les références à la culture et aux œuvres d’art sont nombreuses. De La Petite Sirène d’Andersen, à La Walkyrie de Wagner, de La Grande Vague de Kanagawa d’Hokusai à l’Ophélie de John Everett Millais, tous les arts sont évoqués et invoqués. Ainsi l’optimisme de Miyazaki fait-il communier les forces de la nature et l’esprit de l’homme.
[Film pour enfants à partir de cinq ans]
Ponyo sur la falaise d'Hayao Miyazaki. Durée : 1 h 41. Distribution : Walt Disney Motion Pictures France. Sortie le 8 avril