Ricky : Un Ange passe

Ricky : Un Ange passe

Après l’accueil mitigé réservé à Angel, étonnant cocktail d’eau de rose et de vitriol, François Ozon prend à nouveau le risque de déstabiliser son public avec Ricky. Adaptant une nouvelle au postulat improbable et audacieux (Moth de la romancière britannique Rose Tremain), celui d’un bébé auquel poussent des ailes, le réalisateur s’aventure dans un registre peu exploré par le cinéma français, celui du réalisme magique.

Car pour extraordinaire qu’il se révèle progressivement, Ricky est présenté d’abord dans toute sa trivialité, une trivialité qu’ont tendance à nous faire oublier les représentations idéalisées et publicitaires de la petite enfance : c’est un bébé qui pleure et qui crie, qui salit copieusement ses couches, qui tombe et qui se cogne (à ceci près qu'il le fait en volant). Quant à ses parents, c’est toute la finesse du scénario de les montrer tour à tour insouciants, exténués, attendris, apeurés, dépassés, cruels. Alexandra Lamy (Kathie) et Sergi Lopez (Paco), forment un couple ordinaire d’ouvriers qui dorment sur un clic clac, partent travailler en mobylette (parfois sans casque), et habitent un HLM défraîchi.L’introduction de cet enfant extraordinaire est ainsi, paradoxalement, l’occasion de traiter le réel et non de le fuir : Kathie prend pour de la maltraitance les ecchymoses sur les omoplates de Ricky et se sépare de Paco… Le film se permet même de commencer dans une tonalité franchement dépressive en nous montrant une mère célibataire prête à confier son enfant à l’assistante sociale.Mais au-delà de ce réalisme, Ricky est également marqué par une symbolique très riche : quand elle découvre la réalité, la mère de Ricky s’enferme dans sa maternité et tente de garder pour elle l’enfant, qu’elle considère au choix comme son « ange » ou son « poulet ». Les parallèles orchestrés par le film sont de ce point de vue, savoureux, qui rappellent les fantasmes parentaux de dévoration et renvoient au Kronos des Grecs. Enfin, ce bébé apparaît aussi sous les traits d’un monstre, celui qu’étymologiquement on désigne du doigt, et qui permet depuis Quasimodo jusqu’à King Kong de dénoncer les travers de la société : les scènes qui montrent l’afflux des journalistes en quête de sensationnel, ou le ballet des quidams dégainant leur téléphone portable pour filmer le bébé volant, sont parmi les plus réussies du film.Comme souvent chez François Ozon, le film se termine sur une note ambiguë, laissant au spectateur le choix de son interprétation : l’enfant qui grandit trop vite et dont la mère veut couper les ailes pour l’empêcher de partir ? l’enfant différent, handicapé, l’enfant disparu, celui qu’à un moment ou un autre, il faut laisser aller pour pouvoir continuer à vivre ? Ricky serait-il l’anti-Tanguy ?Le pari n’était pas aisé, et la tentative n’est pas aboutie. Mais le mélange des registres, la qualité de l’interprétation, la richesse symbolique qui se dégage du film en font un spectacle de qualité.

Ricky de François Ozon. 2008. Durée : 1 h 30. Distribution : Le Pacte. Sortie le 11 février 2009

Après l’accueil mitigé réservé à Angel, étonnant cocktail d’eau de rose et de vitriol, François Ozon prend à nouveau le risque de déstabiliser son public avec Ricky. Adaptant une nouvelle au postulat improbable et audacieux (Moth de la romancière britannique Rose Tremain), celui d’un bébé auquel poussent des ailes, le réalisateur s’aventure dans un registre peu exploré par le cinéma français, celui du réalisme magique.

Car pour extraordinaire qu’il se révèle progressivement, Ricky est présenté d’abord dans toute sa trivialité, une trivialité qu’ont tendance à nous faire oublier les représentations idéalisées et publicitaires de la petite enfance : c’est un bébé qui pleure et qui crie, qui salit copieusement ses couches, qui tombe et qui se cogne (à ceci près qu'il le fait en volant). Quant à ses parents, c’est toute la finesse du scénario de les montrer tour à tour insouciants, exténués, attendris, apeurés, dépassés, cruels. Alexandra Lamy (Kathie) et Sergi Lopez (Paco), forment un couple ordinaire d’ouvriers qui dorment sur un clic clac, partent travailler en mobylette (parfois sans casque), et habitent un HLM défraîchi.L’introduction de cet enfant extraordinaire est ainsi, paradoxalement, l’occasion de traiter le réel et non de le fuir : Kathie prend pour de la maltraitance les ecchymoses sur les omoplates de Ricky et se sépare de Paco… Le film se permet même de commencer dans une tonalité franchement dépressive en nous montrant une mère célibataire prête à confier son enfant à l’assistante sociale.Mais au-delà de ce réalisme, Ricky est également marqué par une symbolique très riche : quand elle découvre la réalité, la mère de Ricky s’enferme dans sa maternité et tente de garder pour elle l’enfant, qu’elle considère au choix comme son « ange » ou son « poulet ». Les parallèles orchestrés par le film sont de ce point de vue, savoureux, qui rappellent les fantasmes parentaux de dévoration et renvoient au Kronos des Grecs. Enfin, ce bébé apparaît aussi sous les traits d’un monstre, celui qu’étymologiquement on désigne du doigt, et qui permet depuis Quasimodo jusqu’à King Kong de dénoncer les travers de la société : les scènes qui montrent l’afflux des journalistes en quête de sensationnel, ou le ballet des quidams dégainant leur téléphone portable pour filmer le bébé volant, sont parmi les plus réussies du film.Comme souvent chez François Ozon, le film se termine sur une note ambiguë, laissant au spectateur le choix de son interprétation : l’enfant qui grandit trop vite et dont la mère veut couper les ailes pour l’empêcher de partir ? l’enfant différent, handicapé, l’enfant disparu, celui qu’à un moment ou un autre, il faut laisser aller pour pouvoir continuer à vivre ? Ricky serait-il l’anti-Tanguy ?Le pari n’était pas aisé, et la tentative n’est pas aboutie. Mais le mélange des registres, la qualité de l’interprétation, la richesse symbolique qui se dégage du film en font un spectacle de qualité.

Ricky de François Ozon. 2008. Durée : 1 h 30. Distribution : Le Pacte. Sortie le 11 février 2009