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Walter, retour en résistance


Filmer local pour penser global : ce pourrait être le credo du documentariste Gilles Perret, dont la particularité est de proposer un cinéma profondément enraciné dans son environnement immédiat (la Haute-Savoie), mais qui questionne avec acuité le monde contemporain. Ainsi Ma mondialisation, son précédent long-métrage (2006), proposait une passionnante analyse de la mutation du capitalisme entrepreneurial en capitalisme financier (sous les effets conjugués de la déréglementation et de la mondialisation), à travers la situation de l’industrie du décolletage dans la vallée de l’Arve. Avec Walter, retour en résistance, quelques pas ont suffi à Gilles Perret pour trouver son sujet : un vieux voisin, Walter Bassan, "dont il avait su qu’il avait été déporté dans un camp de concentration du nom de Dachau avant même de savoir ce que cela signifiait"…   Walter, retour en résistance est d’abord un beau portrait de résistant, entre hier (le récit d’une jeunesse marquée par la guerre et la déportation) et aujourd’hui (son infatigable travail de transmission aux jeunes générations). Mais, à travers ce personnage dont les années n’ont émoussé ni l’énergie ni les convictions politiques, c’est également l’occasion de réfléchir sur ce que sont devenus l'esprit et les idéaux de la Résistance. Le documentaire de Gilles Perret rappelle ainsi qu’au-delà de la lutte contre l’occupant, la résistance fut porteuse d’un programme politique. Formalisé par le Conseil National de la Résistance, adopté le 15 mai 1944, ce programme fut largement mis en pratique à la Libération : nationalisation de l'énergie et des banques, création de la Sécurité Sociale, mise en place d’un système de retraites par répartition… Autant d’acquis sociaux et économiques qui ont subi de multiples accrocs, si ce n’est une entreprise de déconstruction systématique, lors des trente dernières années. Le 8 mars 2004, un groupe d’anciens résistants parmi lesquels Raymond Aubrac, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Stéphane Hessel ou Daniel Cordier signaient d’ailleurs l’appel "Créér c’est résister. Résister, c’est créer", appelant "les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société » à ne pas « se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie." Il faut préciser que le tournage du film Walter retour en résistance s’inscrit dans une période un peu particulière, marquée par l’avènement de la présidence de Nicolas Sarkozy. Cet avènement est dans le film scandé par deux visites au plateau des Glières (haut-lieu de la résistance). La première a lieu le 2007, à deux jours (!) de la présidentielle. Posant, seul et grave devant le monument d’Emile Gilioli, le candidat Sarkozy se forge une image de présidentiable, instrumentalisant ce symbole au profit de sa communication politique. La seconde visite a lieu un an plus tard : le —désormais— président Sarkozy semble plus enclin à blaguer sur sa nouvelle compagne que d’écouter le récit d’un raseur de vieux résistant.
 Les images sont assassines et le parallèle dévastateur : on ne saurait mieux montrer la vacuité et le cynisme de la communication politique, ni souligner l’écart entre l’emphase gaullienne de la posture et la politique menée, dîte de "la rupture". Mais en radicalisant ce parallèle, entre hier et aujourd’hui, autour de la notion de "résistance", en se faisant plus militant, le film se fait également moins convaincant. Quel intérêt de demander à des élèves de lycée, dans le car de retour d’une émouvante visite à Dachau en compagnie de Walter Bassan, ce qu’ils auraient voté (puisqu’ils n’étaient pas en âge de le faire) à la dernière présidentielle ? Qu’est-ce qui peut ressortir d’intéressant de l’algarade avec Bernard Accoyer, interrogé sur la politique sarkozienne au sortir d’une cérémonie commémorative, algarade montée en épingle par la communication du film ("le film qui énerve vraiment la droite") ? On conviendra que les questions que Gilles Perret posent au député UMP de Haute-Savoie et président de l’Assemblée Nationale ne procèdent pas de "l’amalgame", comme le dit Bernard Accoyer pour se défausser. Mais elles constituent à tout coup un raccourci gênant, au propre et au figuré. L’instrumentalisation de l’histoire n’est pas plus légitime dans un camp que dans l’autre. [Walter, retour en résistance de Gilles Perret. 2009. Durée : Sortie le 4 novembre 2009. Distribution : Parasite Distribution]


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