Cinq ans que l’on scrute dans le ciel du cinéma américain la silhouette absente des tours jumelles (voir cet article des Cahiers du Cinéma : Dans l'ombre du 11 septembre), cinq ans que l’on traque dans les créations hollywoodiennes les stigmates du 11 septembre (cf les dossiers spéciaux édités par Cadrage.net et, plus récemment, Fluctuat.net). Aussi c’est presque avec soulagement que l’on a accueilli la sortie des deux "premiers" (voir plus bas) films sur les attentats : Vol 93 de Paul Greengrass et World Trade Center d’Oliver Stone.A la différence de Greengrass, O. Stone a délibérément évité dans ce film ce que l’on appelait ici le "spectacle de la catastrophe" ou ce que le compositeur K.H. Stockhausen considérait à chaud comme "la plus grande oeuvre d’art qui soit". Il ne nous montre la destruction des tours que par le biais de postes de télévision. Son film restitue le témoignage de deux survivants de la brigade portuaire, restés encastrés vingt-quatre heures sous les décombres du WTC.Point de film catastrophe donc, nous sommes plongés dans le quotidien de ces familles que se remémorent deux hommes luttant contre la mort, et dans l’attente angoissée de leurs parents. Pas davantage de film politique, rien sur les raisons de l’attentat, rien sur leurs auteurs, si ce n’est une allusion à une bombe atomique lancée sur Israël.Mais Stone n’évite donc le spectaculaire que pour s’abandonner à un pathos qui frôle souvent la mièvrerie ; un pathos à forte teneur religieuse, également : récitation du Notre - Père, Marine qui, devant une croix des plus austères, ressent l’appel de Dieu pour se rendre à New York, apparition kitschissime du Christ à l’un des deux hommes agonisant. C’est l’Amérique attaquée dans ses valeurs, l’humanité qui se sauvera par l’amour du prochain. On peut regretter que le sauvetage de l’humanité passe par cette invasion du sentiment religieux et d’une religion bien définie, ce qui ne peut qu’accréditer les thèses du Clash des Civilisations.On rappellera pour finir, et pour contredire l'introduction de cet article, l'existence du film 11'09''01 sorti un an jour pour jour après les événements, dont le projet était justement de considérer le 11 septembre comme une affaire universelle, en confrontant les regards de onze réalisateurs de nationalités et de cultures différentes : cf le dossier pédagogique édité par Teledoc sur le film. [World Trade Center d'Oliver Stone. 2005. Durée : 2 h 10 mn. Distribution : UIP. Sortie le 20 septembre 2006]