Z 32 : une tragédie antique contemporaine

Z 32 : une tragédie antique contemporaine

Z32 est le nom de code d’un jeune soldat israélien dans les archives d’une association qui rassemble des témoignages d’anciens militaires ayant servi dans les territoires occupés. Ce jeune homme se distingue par sa liberté de parole, qui guide le documentaire d’Avi Mograbi : depuis qu’il a tué des Palestiniens deux ans plus tôt, Z32 est atteint d’un symptôme post-traumatique qui le pousse à raconter sans cesse son histoire, sous couvert d’anonymat. Membre de l’unité d’élite Yaël au sein de Tsahal, le jeune homme s’était entraîné durant vingt mois pour sa première opération. Celle-ci consista en une mission punitive après un attentat qui avait fait six victimes israéliennes. Or l’opération aboutit à l’assassinat de deux policiers palestiniens innocents, dont l’un était désarmé.Avi Mograbi ne se penche pas sur l’aspect strictement politique de cet événement – dont on sait qu’il fit scandale à l’époque et se conclut par une peine de prison pour le commandant de l’unité. Son documentaire laisse la parole – et même la caméra – à Z32 qui revient sur le drame en arpentant les lieux du crime ou en dialoguant avec sa petite amie, dans un questionnement permanent sur la responsabilité individuelle, le rôle de l’institution militaire, l’image de l’ennemi et l’image de soi, et, bien entendu, le pardon. Le réalisateur hisse cette réflexion à l’universel en lui donnant la dimension d’une tragédie grecque : des interludes chantés par Mograbi et ses proches proposent une mise à distance crue et dérangeante vis-à-vis du drame ; un système de morphing destiné à préserver l’anonymat de Z32 et sa petite amie transforment leur visage en masques qui font écho à ceux du théâtre antique.Il faut reconnaître à ce documentaire la force d’un questionnement sans concession sur les pratiques de l’armée. Dans la lignée de Comment j'ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon qui se livrait dès 1997 une critique de la droite israélienne, et de Happy birthday Mr Mograbi qui, deux ans plus tard, dénonçait la répression de manifestations palestiniennes par l’armée israélienne, Avi Mograbi a de nouveau réalisé un film engagé et polémique. Son propos est toutefois ici plus général car il est visible que Tsahal fonctionne comme toute armée, en surentraînant des jeunes gens pour en faire des machines à tuer (des "Chuck Norris", comme dit Z32), au point qu’ils prennent plaisir à leur crime. Gageons toutefois que Z32 ne rencontrera pas un public aussi nombreux que le récent et proche Valse avec Bachir : l’intransigeance de l’approche artistique "une tragédie musicale et documentaire") ainsi que l’usage des masques en 3D mettent mal à l’aise le spectateur et lui imposent une mise à distance souvent déstabilisante. Même s’il est proche de notions philosophiques centrales en Terminale L/ES (Autrui, la justice et le droit, le devoir), Z32 est un film plutôt difficile d’accès pour les élèves.

Z 32 d'Avi Mograbi. 2009. Durée : . Distribution : Films du Losange. Sortie le 18 février 2009

Z32 est le nom de code d’un jeune soldat israélien dans les archives d’une association qui rassemble des témoignages d’anciens militaires ayant servi dans les territoires occupés. Ce jeune homme se distingue par sa liberté de parole, qui guide le documentaire d’Avi Mograbi : depuis qu’il a tué des Palestiniens deux ans plus tôt, Z32 est atteint d’un symptôme post-traumatique qui le pousse à raconter sans cesse son histoire, sous couvert d’anonymat. Membre de l’unité d’élite Yaël au sein de Tsahal, le jeune homme s’était entraîné durant vingt mois pour sa première opération. Celle-ci consista en une mission punitive après un attentat qui avait fait six victimes israéliennes. Or l’opération aboutit à l’assassinat de deux policiers palestiniens innocents, dont l’un était désarmé.Avi Mograbi ne se penche pas sur l’aspect strictement politique de cet événement – dont on sait qu’il fit scandale à l’époque et se conclut par une peine de prison pour le commandant de l’unité. Son documentaire laisse la parole – et même la caméra – à Z32 qui revient sur le drame en arpentant les lieux du crime ou en dialoguant avec sa petite amie, dans un questionnement permanent sur la responsabilité individuelle, le rôle de l’institution militaire, l’image de l’ennemi et l’image de soi, et, bien entendu, le pardon. Le réalisateur hisse cette réflexion à l’universel en lui donnant la dimension d’une tragédie grecque : des interludes chantés par Mograbi et ses proches proposent une mise à distance crue et dérangeante vis-à-vis du drame ; un système de morphing destiné à préserver l’anonymat de Z32 et sa petite amie transforment leur visage en masques qui font écho à ceux du théâtre antique.Il faut reconnaître à ce documentaire la force d’un questionnement sans concession sur les pratiques de l’armée. Dans la lignée de Comment j'ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon qui se livrait dès 1997 une critique de la droite israélienne, et de Happy birthday Mr Mograbi qui, deux ans plus tard, dénonçait la répression de manifestations palestiniennes par l’armée israélienne, Avi Mograbi a de nouveau réalisé un film engagé et polémique. Son propos est toutefois ici plus général car il est visible que Tsahal fonctionne comme toute armée, en surentraînant des jeunes gens pour en faire des machines à tuer (des "Chuck Norris", comme dit Z32), au point qu’ils prennent plaisir à leur crime. Gageons toutefois que Z32 ne rencontrera pas un public aussi nombreux que le récent et proche Valse avec Bachir : l’intransigeance de l’approche artistique "une tragédie musicale et documentaire") ainsi que l’usage des masques en 3D mettent mal à l’aise le spectateur et lui imposent une mise à distance souvent déstabilisante. Même s’il est proche de notions philosophiques centrales en Terminale L/ES (Autrui, la justice et le droit, le devoir), Z32 est un film plutôt difficile d’accès pour les élèves.

Z 32 d'Avi Mograbi. 2009. Durée : . Distribution : Films du Losange. Sortie le 18 février 2009