Barbara © Pyramide Distribution

Re-lecture philo : Barbara

Analyse
de Christian Petzold
105 minutes 2012

1980, Allemagne de l'Est. Barbara est expédiée dans un hôpital en bord de mer pour y exercer sa fonction de médecin. Mutée à l’est du pays après une période d’emprisonnement, elle subit les épreuves traumatisantes et répétées de la fouille au corps et du saccage de son appartement par la police, et se trouve en butte à la suspicion permanente des locaux.
Ces circonstances démoralisantes plongent Barbara dans un profond état de ressentiment (au sens nietzschéen du terme dans la Généalogie de la morale). Son animosité ne se traduit pas toutefois ici par une quelconque envie de vengeance, mais plutôt par un hermétisme complet tant à son entourage qu’à son nouveau lieu de vie. L’étanchéité intégrale de Barbara à cet environnement va de pair avec son unique projet, la fuite vers l’ouest, qu’elle doit mettre en œuvre très prochainement grâce à son amant, qui lui réside d’ores et déjà "de l’autre côté". Dans ces conditions André, le médecin-chef de l’hôpital a bien du mal à attirer l’attention de celle qui le fascine. Ses tentatives d’approche renouvelées se heurtent inexorablement à l’impassibilité de Barbara.

C’est à travers sa relation avec Stella, une jeune patiente condamnée aux travaux forcés, que s’intensifie l’implication de Barbara au sein de l’hôpital. Ce sont les premières éclaircies qui déchirent le voile de son opacité émotionnelle, et ce relâchement de son isolement aura pour conséquence de l’ancrer progressivement dans cet environnement. Cette brèche une fois ouverte débloque les conduits affectifs de Barbara. En même temps qu’elle, nous découvrons mieux qui est André. Quand Barbara lui demande s’il est prêt à aider un salaud (en faisant référence au chef de police qui la harcèle) il répond calmement qu'il le fera si le "salaud" est malade.
André est un acteur de la vie éthique (Sittlichkeit) hégélienne, dans laquelle le Bien est une valeur suprême que chacun se doit de réaliser. L’homme de cette vie éthique est conscient d’un au-delà du soi, comme Antigone qui proclamait que personne ne savait d’où venaient les lois. Il est une illustration de la vertu hégélienne, déterminée par la nature et réfléchie dans le caractère individuel. La genèse de la vertu, l’éducation (la Paideia aristotélicienne), l’entraînement aux bonnes habitudes ne sont pas pris en charge par la loi, ici représentée par le chef de la police. Contre ce défaut de mœurs, André représente un soulèvement silencieux, celui de l’éthique. Pour lui la morale est une clause permanente comme l’affirme Bergson (Les Deux sources de la morale et de la religion).

La projection d’une figure comme celle d’André dans un environnement répressif plonge Barbara dans un état de flottement. Elle qui s’était donné pour consigne de s’isoler, n’a plus la même foi en ses certitudes. Nous assistons dans Barbara au tissage des liens de la confiance, qui remettent en cause les perspectives toutes tracées du personnage principal.