Les garçons et Guillaume, à table!©Gaumont Distributeur

Les Garçons et Guillaume, à table : tout sur ma mère (ou ma vie sexuelle)

Critique
de Guillaume Gallienne
87 minutes 2013

La projection du premier film de Guillaume Gallienne à la Quinzaine des réalisateurs s’est achevée sous une ovation méritée. Reprenant le spectacle autobiographique qu’il avait écrit et interprété, il y a quelques années, l’acteur de la Comédie Française, propulsé star du petit écran par Canal Plus, fait des étincelles, dans ce festival de comédie, aux dialogues qui fusent, aux situations irrésistibles, mais aussi et surtout à l’âme généreuse.

Guillaume est un petit garçon qui adore sa mère, Mélitta, une grande bourgeoise de caractère, à la répartie assassine et crue, à l’élégance imposante et désinvolte, autant dire une actrice, … ou plutôt une diva.  La grande affaire du film est que le garçon et sa mère sont tous deux interprétés par le metteur en scène, qui régale le spectateur de ses travestissements à la Frégoli. Le film raconte l’initiation sentimentale de ce garçon hétérosexuel, que l’ensemble de sa famille (notamment les femmes) a toujours considéré comme homosexuel. Gallienne, à la façon d’un Caubère (dans l'œuvre duquel la mère occupe également une place très importante) qui se travestirait, assume le double-jeu qui consiste à interpréter son propre rôle et celui de sa mère, traçant ainsi une belle filiation mère-fils/diva-acteur.

Mais l'acteur-réalisateur va au-là de cette filiation "d’interprètes". Son film s’approprie ainsi avec bonheur non seulement le ton d’Almodovar, notamment dans une séquence "espagnole", mais aussi celui de Woody Allen (lui aussi acteur et réalisateur), à travers les interventions inopinées de la mère qui apparaît à tout bout de champ pour commenter l'action. A travers la jouissance d’imiter la femme puis les femmes, Gallienne rend juste hommage à tout le cinéma qui les célèbre, en passant par le plus kitsch (à ce titre la scène entre Sissi et l’archi-duchesse Sophie déclenche un des nombreux fous rires du film). Guillaume et les garçons, à table a le pouvoir de déchaîner un rire fou et libérateur, mais jamais destructeur, grâce à l’étonnement toujours candide de ce Guillaume à la recherche désespérée de son moi. L’émotion pointe son nez et des réminiscences proustiennes surgissent au détour de ces affrontements entre le fils et sa mère (autrement dit entre Guillaume Galienne et lui-même), affrontements qui se métamorphosent en chants d’amour dans les champs/contre-champs. La solitude, le rejet, l’incompréhension que subit le personnage, forcément pathétiques, sont exécutées littéralement par une mise en scène cathartique qui célèbre la jouissance du jeu. Voici un film magnifique pour ouvrir les élèves à la tolérance sur l’identité sexuelle !