"On a tous droit à une seconde chance." Apposée comme accroche sur l'affiche de Boy A de John Crowley, l'assertion peut paraître bien anodine ; elle est au contraire à prendre ici de la manière la plus sérieuse qui soit.Jack, lorsqu'il était enfant, a été jugé et condamné pour le meurtre d'une camarade de classe, fait divers et procès qui ont défrayé la chronique et fait le délice des tabloïds. Quand à vingt-quatre ans il sort de prison après avoir purgé sa peine, les services sociaux s'occupent de sa réinsertion, lui offrant une nouvelle identité pour reconstruire sa vie. Tiraillé entre le poids de son secret et l'angoisse d'être découvert, Jack goûte pourtant à la liberté retrouvée. Le répit ne sera que de courte durée.Inutile de dire que le manifeste humaniste de Boy A pour la réinsertion et le "droit à l'oubli" force la sympathie, surtout dans le contexte d'hystérie répressive et sécuritaire dont le film s'inspire très largement (cf les véritables chasses à l'homme orchestrées par les tabloïds anglais). De ce côté-ci de la Manche, le film ne manquera pas d'ailleurs de résonner avec les orientations de la majorité actuelle en matière de justice (loi sur la récidive et les peines-planchers, peines de sûreté et mesures de rétention, volonté de "réformer" la justice des mineurs).Mais la noblesse de la cause ne saurait faire oublier les maladresses du plaidoyer. Passée une mise en place efficace, portée par la sobriété de la mise en scène et le naturel des comédiens (parmi lesquels Peter Mullan), le film vire hélas au mélodrame à thèse, dont les facilités narratives et les invraisemblances concourent toutes au même but : nous montrer à quel point le pauvre Jack n'a pas mérité son triste sort.En faisant de son héros un modèle absolu de réinsertion (citoyen modèle, ami fidèle, amoureux sensible), mais surtout en minimisant (jusqu'à faire planer le doute) sa responsabilité dans le crime passé, le scénario de John Crowley sacrifie à une adhésion purement émotionnelle la portée philosophique de son propos. Ou pour le dire autrement : si le "droit à l'oubli" ne s'applique qu'à d'aussi chics types que Jack, gageons qu'il ne devrait pas concerner grand monde.Malgré ces défauts, Boy A reste toutefois un film à recommander aux élèves de Terminale, pour la densité de questionnements philosophiques qu'il permet d'aborder (sur la responsabilité individuelle, l'existence du mal, la justice et la société), et son point de vue engagé, qui ne manquera pas de bousculer les idées reçues bien ancrées dans certaines jeunes têtes.
Boy A de John Crowley. 2009. Durée : 1 h 40. Distribution : Pyramide. Sortie le 25 février 2009