Buenos Aires 1977

Buenos Aires 1977

On la reconnaît dès les premières images de la bande-annonce : la Mansion Seré, c’est la maison de Psychose. C’est en tout cas ainsi que la filme Israel Adrian Caetano, en contre-plongée, légèrement de biais, sur fond d’orage : comme une authentique maison de l’horreur de film d’épouvante…Mais la Maison Seré fut aussi un centre bien réel de détention clandestine, sis dans la banlieue de Buenos Aires et utilisé de décembre 1976 à mars 1978 par les séides de la junte militaire ; et Buenos Aires 1977 (Cronica de una fuga) raconte l’histoire vraie de Claudio Tamburrini à partir de son livre Pase libre, la fuga de la Mansión : son enlèvement par la police secrète, ses cent-vingt jours de détention, les sévices que lui et ses compagnons eurent à subir, leur évasion aussi héroïque que rocambolesque enfin…Ce mélange des registres brouille la perception du spectateur qui ne sait jamais trop s’il est dans le réel (comme en atteste l’estampille "tiré d’une histoire vraie") ou le cauchemar (comme semble l’indiquer l’utilisation des codes du genre horrifique), s’il lui faut mobiliser sa capacité d’indignation ou replonger la main dans le seau de popcorn.Présenté dans la même Sélection cannoise (2006), Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro avait eu l’audace de juxtaposer les horreurs bien réelles du franquisme et les cauchemars goyesques d’une petite fille. On dira plutôt du Buenos Aires 1977 d’Adrian Caetano qu’il a le séant entre deux chaises, hésitant entre les enjeux mémoriels (le réalisateur raconte dans le dossier de presse comment la dictature a marqué son enfance) et la tentation du spectacle. A l’instar du Dernier roi d’Ecosse, Buenos Aires 1977 fait partie de cette génération de films "historiques" (au sens où ils prétendent à la véracité des faits) mais d’où est absente toute réflexion sur l’Histoire : ils proclament ne s’intéresser qu’à la "dimension humaine" des événements qu'ils relatent, qu'ils mettent au service d'une dramaturgie efficace.Renonçant à comprendre les raisons et les ressorts de la violence d’Etat, Buenos Aires 1977 prend ainsi le risque de tomber dans la caricature complaisante (les trognes patibulaires et les rictus sadiques des bourreaux) ou l’inoffensif prêchi-prêcha (c’est en s’entraidant que nos quatre héros arriveront à s’en sortir). Mais le plus gênant est sans doute l’apolitisme revendiqué de son héros : en insistant lourdement sur l’"innocence" de Claudio Tamburrini (il n’est "qu’un gardien de but" apolitique arrêté sur la foi d'une fausse dénonciation), le film insinue l’idée que ses camarades de détention n’ont eux pas tout à fait volé leur sort. Alors que depuis 2003 une série de décisions politiques et judiciaires ont permis en Argentine de revenir sur l’impunité accordée aux criminels de la junte, cette façon de renvoyer dos à dos bourreaux et victimes ressemble à un sorte de révisionnisme soft…

[Buenos Aires 1977 d'Israel Adrian Caetano. 2006. Durée : 1 h 42. Distribution : Wild Bunch. Sortie le 27 juin 2007]

On la reconnaît dès les premières images de la bande-annonce : la Mansion Seré, c’est la maison de Psychose. C’est en tout cas ainsi que la filme Israel Adrian Caetano, en contre-plongée, légèrement de biais, sur fond d’orage : comme une authentique maison de l’horreur de film d’épouvante…Mais la Maison Seré fut aussi un centre bien réel de détention clandestine, sis dans la banlieue de Buenos Aires et utilisé de décembre 1976 à mars 1978 par les séides de la junte militaire ; et Buenos Aires 1977 (Cronica de una fuga) raconte l’histoire vraie de Claudio Tamburrini à partir de son livre Pase libre, la fuga de la Mansión : son enlèvement par la police secrète, ses cent-vingt jours de détention, les sévices que lui et ses compagnons eurent à subir, leur évasion aussi héroïque que rocambolesque enfin…Ce mélange des registres brouille la perception du spectateur qui ne sait jamais trop s’il est dans le réel (comme en atteste l’estampille "tiré d’une histoire vraie") ou le cauchemar (comme semble l’indiquer l’utilisation des codes du genre horrifique), s’il lui faut mobiliser sa capacité d’indignation ou replonger la main dans le seau de popcorn.Présenté dans la même Sélection cannoise (2006), Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro avait eu l’audace de juxtaposer les horreurs bien réelles du franquisme et les cauchemars goyesques d’une petite fille. On dira plutôt du Buenos Aires 1977 d’Adrian Caetano qu’il a le séant entre deux chaises, hésitant entre les enjeux mémoriels (le réalisateur raconte dans le dossier de presse comment la dictature a marqué son enfance) et la tentation du spectacle. A l’instar du Dernier roi d’Ecosse, Buenos Aires 1977 fait partie de cette génération de films "historiques" (au sens où ils prétendent à la véracité des faits) mais d’où est absente toute réflexion sur l’Histoire : ils proclament ne s’intéresser qu’à la "dimension humaine" des événements qu'ils relatent, qu'ils mettent au service d'une dramaturgie efficace.Renonçant à comprendre les raisons et les ressorts de la violence d’Etat, Buenos Aires 1977 prend ainsi le risque de tomber dans la caricature complaisante (les trognes patibulaires et les rictus sadiques des bourreaux) ou l’inoffensif prêchi-prêcha (c’est en s’entraidant que nos quatre héros arriveront à s’en sortir). Mais le plus gênant est sans doute l’apolitisme revendiqué de son héros : en insistant lourdement sur l’"innocence" de Claudio Tamburrini (il n’est "qu’un gardien de but" apolitique arrêté sur la foi d'une fausse dénonciation), le film insinue l’idée que ses camarades de détention n’ont eux pas tout à fait volé leur sort. Alors que depuis 2003 une série de décisions politiques et judiciaires ont permis en Argentine de revenir sur l’impunité accordée aux criminels de la junte, cette façon de renvoyer dos à dos bourreaux et victimes ressemble à un sorte de révisionnisme soft…

[Buenos Aires 1977 d'Israel Adrian Caetano. 2006. Durée : 1 h 42. Distribution : Wild Bunch. Sortie le 27 juin 2007]