Dès les premières images, la surprise de découvrir un film en volume et la curiosité pour cette forme inhabituelle nous embarquent dans l’histoire : l’utilisation de marionnettes en plastique expansé donne aux personnages une matière, et leur confère, à défaut d’être vivants, une certaine réalité.Dans la forêt des Framboisiers vivent Desmond, le cochon accroc aux muffins et au sauna, et ses amis. Un matin, tous découvrent avec stupeur qu’un objet qui leur est particulièrement cher a disparu. Sous le choc, ils accusent unanimement la créature du marais, qu’évidemment personne n’a jamais vue, mais dont la soif de vengeance est bien connue de tous. Ils décident de construire ensemble un piège et de capturer la « créature ».Les personnages sont au départ caricaturaux : le cochon est gourmand, le lapin, écervelé, le putois un voyou ; l’élan est obsédée par la beauté, le caribou, par l’ordre ; quant au petit alligator, c'est forcément un garnement. Mais la construction du piège est l’occasion de vivre et de se remémorer, à travers de nombreux flash-backs, des événements qui éclairent ainsi, complexifient et densifient chaque caractère : le cochon cuisine pour ses amis, le lapin réclame en fait de l’attention, le caribou est amoureux et le petit alligator sauvera les adultes. Sorte d’introspection thérapeutique, le flash back opère également au niveau du lien social. Si ces retours en arrière jouent le même rôle que dans les polars, à savoir découvrir le coupable, ils ont une autre fonction, celle de raviver le sentiment de chacun d’appartenir à un groupe, de se rappeler ensemble des événements fondateurs d’une solidarité. Il ne s’agit pas d’une battue mue par la haine ; et ici s’exprime la vision politique du réalisateur suédois Magnus Carlsson ; ce n’est finalement ni la peur, ni un sentiment d’insécurité qui les poussent à capturer la créature, mais une volonté de justice. Ce film est adapté à un jeune public (à partir de 5 ans) de par l’originalité du support, une structure du récit complexe et les thèmes abordés. La bienveillance face à des situations de conflits, l’explicitation des tensions, la rationalité des solutions, là où souvent le conte exploite pour les transformer, la peur, la colère et la haine, procurent une grande sérénité. Et finalement que la créature existe ou non, peu importe.
[Desmond et la créature du marais de Magnus Carlson. 2006. Durée : 1 h 8. Distribution : Les Films du Préau. Sortie le 15 octobre 2008]
Pour aller plus loin :— Sur le site des Films du Préau (Les nouvelles aventures de la petite taupe, Muksin), une série de fiches pédagogiques sur le cinéma d'animation en volume