Elle s'appelle Sabine : la beauté du geste
Pour désigner la démarche d’un réalisateur, les critiques parlent parfois, un peu pompeusement, de "geste" cinématographique. Pour le coup, le terme s’applique avec une merveilleuse simplicité au premier film de Sandrine Bonnaire en tant que réalisatrice. Elle s’appelle Sabine n’est en effet qu’un geste, tout entier résumé par son titre : il s’agit de nous donner à voir (plutôt que nous "montrer") un être humain singulier ; une singularité marquée par le handicap, sans pour autant s’y résumer.Sabine est la sœur cadette de Sandrine Bonnaire. Enfant "différente" puis adolescente "inadaptée", elle a peu à peu sombré dans ce que l’on ne diagnostiquera que des années plus tard, après un passage destructeur en hôpital psychiatrique, comme une forme d’autisme. Mêlant le passé (images tournées à l’adolescence, notamment lors de vacances en famille ou d’un voyage des deux sœurs aux Etats-Unis) et le présent (au gré d’un long séjour dans l’institution spécialisée où (re)vit maintenant sa sœur), Sandrine Bonnaire nous donne le temps de connaître Sabine et de mettre sur des mots (autisme, handicap) et des symptômes qui font peur, une histoire et des sentiments.Pour inconfortable qu’elle soit (pour dire les choses crûment, Sabine —celle d’aujourd’hui— se déplace et parle lentement, le dos voûté et le regard fixe ; Sabine parfois crie, frappe, bave ; Sabine pose inlassablement à sa sœur les mêmes questions dans les mêmes termes : "est-ce qu’après ma sieste tu seras encore là pour moi ? est-ce que tu reviendras me voir demain ? et après-demain, est-ce que tu seras là à nouveau ?"), cette expérience est parmi les plus émouvantes et les plus enrichissantes que l’on ait vécues pendant tout le Festival. Et l’on ne voit pas, sur l’ensemble de ceux qui nous auront été présentés lors de ce Festival, de personnage qui nous ait plus touché dans son (et notre) humanité.Bouleversant, Elle s’appelle Sabine est également utile : le film dresse le constat du manque de structures d’accueil spécialisées pour les enfants et les adultes handicapés , qui met les familles aux prises avec des choix déchirants : garder leur fille, leur fils, leur frère ou leur sœur à la maison, au risque d’une déstabilisation de leurs vies personnelles, ou les interner dans les seules structures disponibles, souvent l’hôpital psychiatrique, décision dont on voit les effets destructeurs sur la personne de Sabine.
Elle s'appelle Sabine de Sandrine Bonnaire, Quinzaine des Réalisateurs