Ressources pédagogiques

Flandres de Bruno Dumont


"Ces gens ne méritent pas qu’on leur consacre un film… " cette phrase, entendue à la sortie de la projection matinale de Flandres, résume bien le décalage entre le cinéma de Bruno Dumont et une certaine idée, majoritaire, du cinéma et du Festival.Car c’est bien le principe du cinéma de Brunot Dumont de se confronter à ces "gens-là" (cf les polémiques sur les prix d’interprétation accordés aux acteurs non-professionnels de L’Humanité), et de s’intéresser non pas à l’extraordinaire (le bigger than life théorisé par Hollywood) mais à ce que Georges Perec appelait l’infra-ordinaire.Cela donne encore une fois à Flandres une vérité et une densité philosophique peu communes. Le film est organisé comme un triptyque : la première partie prend place dans un périmètre circonscrit par deux fermes, dans un Nord très rural (Dumont est revenu tourner à Bailleul, où il avait filmé son premier long-métrage, La Vie de Jésus). Demester, un jeune paysan, Barbe son amie et quelques autres jeunes gens s’efforcent de tuer le temps dans un paysage hivernal désolé (jamais on n'a entendu aussi bien le ploc-ploc des bottes dans la boue).La pauvreté (du langage, à peine articulé, des situations, des sentiments) d’une narration naturaliste n’a d’égale que la splendeur visuelle des images, qui donnent à voir la concrétude du monde et la beauté de visages bien éloignés des habituels canons cinématographiques.C’est la partie centrale, consacrée à la guerre (une guerre archétypale située dans un Sud indéfini : on pense à l’Irak, à l’Afghanistan ou à l’Algérie) qui paraît à la fois la plus nouvelle dans le cinéma de Dumont et la moins originale cinématographiquement. Les images de combat se superposent en effet à toute une mémoire cinématographique du cinéma de guerre (on pense très fort par exemple à Full Metal Jacket) et les figures obligées de l’abjection (la mort d’un enfant-soldat, le viol d’une civile…) s’accumulent de manière un peu convenue pour dire l’horreur de la guerre.Dans la dernière partie, Demester reviendra, seul survivant de son groupe, et retrouvera à la fois Barbe (qui est elle passée par l’hôpital psychiatrique) et les travaux des champs. A travers ces itinéraires, Bruno Dumont est loin de perdre de vue son sujet : l’humanité de ses personnages, qui semblent traverser l’expérience du quotidien et celle de l’enfer (la guerre, la folie) avec une même hébétude, et sur le mystère de laquelle viendra jusqu’à la fin buter la caméra. Peu importe que le massacre final prévu dans une version antérieure du scénario ait été remplacé par une déclaration d’amour : c’est l’opacité du geste et le questionnement qu’il induit qui importent.On ne saura ainsi trop conseiller Flandres (qui devrait sortir fin août) aux enseignants de Philosophie, car peu de films portent autant d’interrogations philosophiques (rattachables aux notions au programme de Terminale) dans leur esthétique. Pour preuve cette autre reflexion festivalière entendue elle aussi à l’issue de la projection : pourquoi la milicienne choisit d’émasculer (hors-champ) le seul soldat qui ne l’a pas violée, celui qui justement —comme il le dit lui-même— n’a rien fait ? C'est tout le prix du cinéma de Bruno Dumont de préférer l'angoisse des questionnements aux conforts des réponses.


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