Nous l'avions annoncé comme l'événement cinématographique de la rentrée 2006. Nul doute qu'Indigènes, qui sortira finalement le 27 septembre, confirmera la prévision. La très symbolique sélection cannoise (avec montée des marches pour les anciens combattants "indigènes" et standing ovation du public), le prix d'interprétation accordé aux comédiens du film et le véritable happening qu'ils ont donné lors de la cérémonie (avec le Chant des Africains en étendard et Jamel Debbouze porte-drapeau toujours efficace) ont attiré sur le film un éclairage médiatique qui devrait ne pas faiblir d'ici la sortie.La bonne nouvelle est que contrairement à certains exemples récents (Da Vinci Code, Marie-Antoinette), le film est à la hauteur du tintamarre qui l'accompagne. S'il se coule dans le moule classique du film de guerre, Rachid Bouchareb le fait avec autant de maîtrise que de sincérité. Il mêle avec talent les scènes obligées du genre (notamment le morceau de bravoure qui constitue le derniers tiers du film, défense d'un village alsacien à 1 contre 20, cf la fin du Soldat Ryan de Spielberg) et des séquences intimistes (on pense à la relation qui se noue entre Messaoud/Roschdy Zem et une jolie marseillaise) que l'on imagine plus proches de son cinéma.Il arrive surtout à trouver le ton juste entre l'héroïsation de ces combattants et la dénonciation du sort qui leur fut (le racisme de la hiérarchie militaire) et leur est encore fait (le carton final revient sur la cristallisation des pensions). Loin des polémiques que l'on pouvait craindre, le film fait ainsi ouvertement œuvre de réconciliation : il s'agit ni plus ni moins que de rendre à ces hommes leur place dans la mémoire collective, et ainsi de donner à leurs descendants un motif de légitime fierté, à rebours de la vision doloriste qui prévaut en matière d'immigration.C'est ainsi dans sa bouleversante séquence finale que le film emporte finalement l'adhésion : revenant du cimetière militaire où il a honoré ses compagnons d'arme, l'un de nos héros (on ne vous dira pas lequel) retrouve la grisaille d'un grand ensemble et la modestie d'un studio semblable à ceux dans lesquels vieillissent des dizaines de milliers d'immigrés. Dans cette séquence dont la remarquable économie contraste avec la fureur des scènes de guerre, le film atteint pleinement son objectif : il change d'un coup notre regard sur des silhouettes qu'on avait pris l'habitude de ne plus voir.A suivre à la rentrée : un dossier et un site pédagogique sur Zéro de conduite (à l'adresse www.zerodeconduite.net/indigenes), des compléments chez nos partenaires, et des avant-premières organisées par le distributeur dans une vingtaine de villes (voir l'espace enseignants du site officiel).