J'ai vu tuer Ben Barka

J'ai vu tuer Ben Barka

L’affaire, une des plus rocambolesques et nauséabondes de la Vème République, jamais complètement élucidée de surcroît, avait de quoi exciter l’imagination : comment un opposant marocain au rayonnement international, Mehdi Ben Barka, est enlevé en plein Paris par les services secrets marocains et français, avec la complicité involontaire du cinéaste Georges Franju et de l’écrivain Marguerite Duras.Pour démêler les fils de l’écheveau, le réalisateur Serge Le Péron s’est attaché à la figure fascinante de Georges Figon (interprété avec brio par Charles Berling), petit truand qui fait le lien entre journalistes tiers-mondistes (Georges Bernier qui lui présentera Ben Barka), hommes politiques (le député gaulliste Lemarchand), anciens de la carlingue (ils s’occuperont des basses œuvres pour les espions marocains) et gens de cinéma (Marguerite Duras qui s’était entichée de lui et entraînera Franju dans l'aventure)… Le film hésite entre les genres : le polar rétro et sarcastique (voix-off, musique jazz et gueules de truands), le divertissement cinéphilique (à travers les apparitions-clins d’œil de Jean-Pierre Léaud en Franju et Josiane Balasko en Marguerite Duras) et la leçon d’histoire…C’est hélas cette dernière qui fait figure de sacrifiée : le contexte et les personnages sont traités de manière beaucoup trop allusive, et "l’affaire Ben Barka" n’est jamais vraiment replacée dans la perspective plus large de la décolonisation et du mouvement tiers-mondiste (pourquoi voulait-on sa mort ?).Aussi, quand bien même avec Benjamin Stora interrogé par Le Monde de l’Education dans son numéro de novembre on reconnaîtrait l’audace et l’originalité du projet, on ne voit pas réellement comment imaginer son utilisation en classe, à moins d’un énorme travail d’explicitation…Pour en savoir plus, on renverra au dossier mis en ligne par L’Express (le journal qui a l’époque avait "sorti" l’affaire) qui propose notamment ses archives de janvier 1966, mais également à celui de Libération, qui privilégie une approche plus réflexive autour des pouvoirs du cinéma : c’est finalement sa fascination pour l’image qui a perdu Ben Barka, comme Massoud assassiné par une fausse équipe de télévision et une caméra piégée… [J’ai vu tuer Ben Barka de Serge Le Péron et Saïd Smihi. 2005. Durée : 1 h 41. Distribution : Rezofilms. Sortie le 2 novembre 2005]

L’affaire, une des plus rocambolesques et nauséabondes de la Vème République, jamais complètement élucidée de surcroît, avait de quoi exciter l’imagination : comment un opposant marocain au rayonnement international, Mehdi Ben Barka, est enlevé en plein Paris par les services secrets marocains et français, avec la complicité involontaire du cinéaste Georges Franju et de l’écrivain Marguerite Duras.Pour démêler les fils de l’écheveau, le réalisateur Serge Le Péron s’est attaché à la figure fascinante de Georges Figon (interprété avec brio par Charles Berling), petit truand qui fait le lien entre journalistes tiers-mondistes (Georges Bernier qui lui présentera Ben Barka), hommes politiques (le député gaulliste Lemarchand), anciens de la carlingue (ils s’occuperont des basses œuvres pour les espions marocains) et gens de cinéma (Marguerite Duras qui s’était entichée de lui et entraînera Franju dans l'aventure)… Le film hésite entre les genres : le polar rétro et sarcastique (voix-off, musique jazz et gueules de truands), le divertissement cinéphilique (à travers les apparitions-clins d’œil de Jean-Pierre Léaud en Franju et Josiane Balasko en Marguerite Duras) et la leçon d’histoire…C’est hélas cette dernière qui fait figure de sacrifiée : le contexte et les personnages sont traités de manière beaucoup trop allusive, et "l’affaire Ben Barka" n’est jamais vraiment replacée dans la perspective plus large de la décolonisation et du mouvement tiers-mondiste (pourquoi voulait-on sa mort ?).Aussi, quand bien même avec Benjamin Stora interrogé par Le Monde de l’Education dans son numéro de novembre on reconnaîtrait l’audace et l’originalité du projet, on ne voit pas réellement comment imaginer son utilisation en classe, à moins d’un énorme travail d’explicitation…Pour en savoir plus, on renverra au dossier mis en ligne par L’Express (le journal qui a l’époque avait "sorti" l’affaire) qui propose notamment ses archives de janvier 1966, mais également à celui de Libération, qui privilégie une approche plus réflexive autour des pouvoirs du cinéma : c’est finalement sa fascination pour l’image qui a perdu Ben Barka, comme Massoud assassiné par une fausse équipe de télévision et une caméra piégée… [J’ai vu tuer Ben Barka de Serge Le Péron et Saïd Smihi. 2005. Durée : 1 h 41. Distribution : Rezofilms. Sortie le 2 novembre 2005]