Jeune Femme : Bienvenue dans la vraie vie !

Jeune Femme : Bienvenue dans la vraie vie !

Dans ce premier film réalisé par Léonor Serraille, une jeune femme de 31 ans, Paula (Laetitia Dosch) se remet d'une rupture après dix ans passés auprès d'un photographe de renom (Grégoire Monsaingeon)… en se plongeant dans la vraie vie.Paula n'a jamais rien fait, sa vie n'a tenu depuis dix ans qu'à celui qui l'a aimée, le temps d'en faire sa muse, le temps de voir la femme "éclore en elle" comme il le lui a dit ; elle a quitté ses parents, est partie au Mexique, a aimé profondément cet homme qui la jette sans ménagements de son bel et immense appartement parisien. Au début, le spectateur se dit que Paula n'est pas un cadeau, enfant gâtée dans un corps d'adulte, en souffrance, harcelante, égoïste avec ses ami(e)s. Sans un sou, au bord du désespoir et de la marginalité, elle erre de canapés en chambres d'hôtel, jusqu'à ce qu’à la faveur quelqu’un accepte de l’héberger et la lance, au gré des fables qu'elle s'invente (tour à tour experte en baby-sitting, étudiante en art ou vendeuse chevronnée de petites culottes) dans la vraie vie. Vivre sa vie cela commence par trouver un chez-soi, même vétuste et riquiqui, car comme l'écrit Virginia Woolf, l'émancipation passe avant toutes choses par Une Chambre à soi. Le film fait un beau portrait d'une femme qui s'échappe de sa prison dorée, de son aliénation amoureuse et économique, sur un mode à la fois comique et touchant de fragilité. Dans le dernier tiers du film, le spectateur porte un nouveau regard sur Paula : l’agacement et la compassion laissent la place au respect et à une forme d’admiration, car son caractère enfantin semble enfin dire oui à la vie, dans ce qu'elle a de plus humble mais aussi de plus respectable.Quelle est-elle cette vie ? À la différence des vernissages où l'on porte robe longue et talons hauts, des soirées où l'on s'enivre de musique en compagnie d'inconnus aussi immatures qu'inquiétants, c'est celle du petit boulot précaire où se nouent des rencontres authentiques, de la vie imparfaite loin d'être ultra-contrôlée. Les autres portraits de femme du film soulignent les impasses de leur vie, depuis le pavillon de banlieue de la mère de Paula dont la peinture s'effrite, au magnifique appartement d'une femme qui élève seule sa fille sans jamais s'en occuper. Toutes ces femmes seules semblent vivre avec le fantôme d'un homme qui les a abandonnées. À ce titre, le film en rejoint d'autres comme Le Redoutable de Michel Hazanavicius ou Le Jour d'après de Hong Sangsoo, en représentant une domination culturelle qui emprisonne la femme, prise aux pièges de personnages masculins forts de leur supériorité artistique ou intellectuelle. Une domination qui va se révéler violence et manipulation dans le film de Léonor Serraille, à travers le personnage de Joachim Deloche auquel s'oppose celui du vigile, Ousmane, expert en économie, en relations humaines et en cuisine, à l'écoute sans pour autant s'en laisser compter.

Jeune Femme est donc un film féministe non pas tant parce qu'il met au cœur de son film son héroïne (et de fait Laetitia Dosch est de tous les plans) que parce qu'il dénonce la domination intellectuelle des artistes sur les femmes, les aliénant et les empêchant de s'émanciper. En ce sens, on pourrait voir en Paula une petite sœur de la Holly Golightly de Breakfast at Tiffany's, à la différence près que l'art des hommes ne sauve pas, mais enfonce les femmes.Jeune femme (Montparnasse-Bienvenue) de Leonor Ferraille, France, 2017, Durée : 97 mnSélection Officielle, Un Certain Regard

Dans ce premier film réalisé par Léonor Serraille, une jeune femme de 31 ans, Paula (Laetitia Dosch) se remet d'une rupture après dix ans passés auprès d'un photographe de renom (Grégoire Monsaingeon)… en se plongeant dans la vraie vie.Paula n'a jamais rien fait, sa vie n'a tenu depuis dix ans qu'à celui qui l'a aimée, le temps d'en faire sa muse, le temps de voir la femme "éclore en elle" comme il le lui a dit ; elle a quitté ses parents, est partie au Mexique, a aimé profondément cet homme qui la jette sans ménagements de son bel et immense appartement parisien. Au début, le spectateur se dit que Paula n'est pas un cadeau, enfant gâtée dans un corps d'adulte, en souffrance, harcelante, égoïste avec ses ami(e)s. Sans un sou, au bord du désespoir et de la marginalité, elle erre de canapés en chambres d'hôtel, jusqu'à ce qu’à la faveur quelqu’un accepte de l’héberger et la lance, au gré des fables qu'elle s'invente (tour à tour experte en baby-sitting, étudiante en art ou vendeuse chevronnée de petites culottes) dans la vraie vie. Vivre sa vie cela commence par trouver un chez-soi, même vétuste et riquiqui, car comme l'écrit Virginia Woolf, l'émancipation passe avant toutes choses par Une Chambre à soi. Le film fait un beau portrait d'une femme qui s'échappe de sa prison dorée, de son aliénation amoureuse et économique, sur un mode à la fois comique et touchant de fragilité. Dans le dernier tiers du film, le spectateur porte un nouveau regard sur Paula : l’agacement et la compassion laissent la place au respect et à une forme d’admiration, car son caractère enfantin semble enfin dire oui à la vie, dans ce qu'elle a de plus humble mais aussi de plus respectable.Quelle est-elle cette vie ? À la différence des vernissages où l'on porte robe longue et talons hauts, des soirées où l'on s'enivre de musique en compagnie d'inconnus aussi immatures qu'inquiétants, c'est celle du petit boulot précaire où se nouent des rencontres authentiques, de la vie imparfaite loin d'être ultra-contrôlée. Les autres portraits de femme du film soulignent les impasses de leur vie, depuis le pavillon de banlieue de la mère de Paula dont la peinture s'effrite, au magnifique appartement d'une femme qui élève seule sa fille sans jamais s'en occuper. Toutes ces femmes seules semblent vivre avec le fantôme d'un homme qui les a abandonnées. À ce titre, le film en rejoint d'autres comme Le Redoutable de Michel Hazanavicius ou Le Jour d'après de Hong Sangsoo, en représentant une domination culturelle qui emprisonne la femme, prise aux pièges de personnages masculins forts de leur supériorité artistique ou intellectuelle. Une domination qui va se révéler violence et manipulation dans le film de Léonor Serraille, à travers le personnage de Joachim Deloche auquel s'oppose celui du vigile, Ousmane, expert en économie, en relations humaines et en cuisine, à l'écoute sans pour autant s'en laisser compter.

Jeune Femme est donc un film féministe non pas tant parce qu'il met au cœur de son film son héroïne (et de fait Laetitia Dosch est de tous les plans) que parce qu'il dénonce la domination intellectuelle des artistes sur les femmes, les aliénant et les empêchant de s'émanciper. En ce sens, on pourrait voir en Paula une petite sœur de la Holly Golightly de Breakfast at Tiffany's, à la différence près que l'art des hommes ne sauve pas, mais enfonce les femmes.Jeune femme (Montparnasse-Bienvenue) de Leonor Ferraille, France, 2017, Durée : 97 mnSélection Officielle, Un Certain Regard