Katanga business : tragicomédie de la mondialisation

Katanga business : tragicomédie de la mondialisation

Cuivre, cobalt, zinc, fer, uranium, étain, or, germanium…: une seule et même région du monde rassemble tous ces minerais – et ce alors même que ses habitants vivent dans une extrême pauvreté. Le Katanga, province au Sud-Est de la République démocratique du Congo, est en effet une des régions minières les plus riches du globe. Rappelons que sa colonisation par la Belgique en fit une région d’économie et de culture industrielles dès le début du XXe siècle ; que ce fut cette même région qui fit sécession au lendemain de l’indépendance en juin 1960 sous l’impulsion des milieux d’affaires pro-occidentaux, comme l’a relaté Lumumba le film de Raoul Peck ; et que Mobutu et ses séides puisèrent abondamment dans cette manne, sans pour autant en entretenir les infrastructures.Aujourd’hui, le Katanga est le théâtre d’affrontements économiques pour l’exploitation des ressources minières, sur fond de mondialisation et de misère locale. Cette pièce a ses acteurs, parfois hauts en couleurs : des hommes d’affaires installés en RDC et souvent héritiers de l’époque coloniale, des investisseurs occidentaux attirés par les profits faciles au moment de la hausse du cours des matières premières, des patrons de multinationales belges, anglo-saxonnes ou, plus récemment, chinoises, des hommes politiques congolais qui oscillent entre protection, voire paternalisme vis-à-vis de leurs élus et ouverture aux propositions des nouveaux investisseurs… et des travailleurs congolais, très relativement protégés dans le secteur public, lésés dans le privé, misérables dans les mines illégales.Cette pièce a aussi ses enjeux : tragi-comédie fondée sur une unité de lieu, elle met en scène les ambitions parfois convergentes, mais souvent contradictoire des acteurs de la pièce. L’Etat et le gouverneur local veulent créer de l’emploi et désenclaver leur territoire tandis que les entrepreneurs veulent faire du profit et les Congolais, vivre décemment. Dans ce contexte, quelle place donner au droit du travail en général et au droit de grève en particulier, vus les impératifs de rentabilité ainsi que les différences entre les conditions de travail selon les pays d’origine des FMN ? Faut-il se fermer aux investissements étrangers afin de préserver l’indépendance nationale, mais avec le risque de rester dans un mal-développement déjà fortement marqué ? Quelle place donner aux entreprises publiques, au rôle si désastreux sous Mobutu ? Doit-on aussi prendre en compte des considérations écologiques, quitte à freiner le développement économique ?Ces questionnements sont sous-jacents aux images du film, à l’intérêt esthétique et géographique incontestables, tournées par un réalisateur dont la connaissance du Congo est soutenue par un long travail documentaire sur le sujet et qui dépasse tout manichéisme. Une des scènes majeures de Katanga Business montre ainsi l’Administrateur Général de la Gécamines, entreprise minière publique, qui négocie avec un représentant d’une entreprise d’Etat chinoise ; la situation fait ressurgir la polémique sur le rôle de la Chine en Afrique et l’on est en droit de se demander si l’administrateur a raison de signer le contrat qui permettra aux Chinois d’exploiter ces mines ; or le marché inclut la remise en état des infrastructures publiques de la région – ce que l’Etat congolais, démuni face à des investissements aussi coûteux, n’est de son côté pas prêt de faire… C’est tout le mérite de Katanga business de soulever ces questions dans leur complexité.

Katanga business de Thierry Michel. 2008. Durée : 120 mn. Distribution : Pierre Grise. Sortie le 15 avril 2009

Cuivre, cobalt, zinc, fer, uranium, étain, or, germanium…: une seule et même région du monde rassemble tous ces minerais – et ce alors même que ses habitants vivent dans une extrême pauvreté. Le Katanga, province au Sud-Est de la République démocratique du Congo, est en effet une des régions minières les plus riches du globe. Rappelons que sa colonisation par la Belgique en fit une région d’économie et de culture industrielles dès le début du XXe siècle ; que ce fut cette même région qui fit sécession au lendemain de l’indépendance en juin 1960 sous l’impulsion des milieux d’affaires pro-occidentaux, comme l’a relaté Lumumba le film de Raoul Peck ; et que Mobutu et ses séides puisèrent abondamment dans cette manne, sans pour autant en entretenir les infrastructures.Aujourd’hui, le Katanga est le théâtre d’affrontements économiques pour l’exploitation des ressources minières, sur fond de mondialisation et de misère locale. Cette pièce a ses acteurs, parfois hauts en couleurs : des hommes d’affaires installés en RDC et souvent héritiers de l’époque coloniale, des investisseurs occidentaux attirés par les profits faciles au moment de la hausse du cours des matières premières, des patrons de multinationales belges, anglo-saxonnes ou, plus récemment, chinoises, des hommes politiques congolais qui oscillent entre protection, voire paternalisme vis-à-vis de leurs élus et ouverture aux propositions des nouveaux investisseurs… et des travailleurs congolais, très relativement protégés dans le secteur public, lésés dans le privé, misérables dans les mines illégales.Cette pièce a aussi ses enjeux : tragi-comédie fondée sur une unité de lieu, elle met en scène les ambitions parfois convergentes, mais souvent contradictoire des acteurs de la pièce. L’Etat et le gouverneur local veulent créer de l’emploi et désenclaver leur territoire tandis que les entrepreneurs veulent faire du profit et les Congolais, vivre décemment. Dans ce contexte, quelle place donner au droit du travail en général et au droit de grève en particulier, vus les impératifs de rentabilité ainsi que les différences entre les conditions de travail selon les pays d’origine des FMN ? Faut-il se fermer aux investissements étrangers afin de préserver l’indépendance nationale, mais avec le risque de rester dans un mal-développement déjà fortement marqué ? Quelle place donner aux entreprises publiques, au rôle si désastreux sous Mobutu ? Doit-on aussi prendre en compte des considérations écologiques, quitte à freiner le développement économique ?Ces questionnements sont sous-jacents aux images du film, à l’intérêt esthétique et géographique incontestables, tournées par un réalisateur dont la connaissance du Congo est soutenue par un long travail documentaire sur le sujet et qui dépasse tout manichéisme. Une des scènes majeures de Katanga Business montre ainsi l’Administrateur Général de la Gécamines, entreprise minière publique, qui négocie avec un représentant d’une entreprise d’Etat chinoise ; la situation fait ressurgir la polémique sur le rôle de la Chine en Afrique et l’on est en droit de se demander si l’administrateur a raison de signer le contrat qui permettra aux Chinois d’exploiter ces mines ; or le marché inclut la remise en état des infrastructures publiques de la région – ce que l’Etat congolais, démuni face à des investissements aussi coûteux, n’est de son côté pas prêt de faire… C’est tout le mérite de Katanga business de soulever ces questions dans leur complexité.

Katanga business de Thierry Michel. 2008. Durée : 120 mn. Distribution : Pierre Grise. Sortie le 15 avril 2009