La vie rêvée de Gustav Klimt
Klimt n’est pas comme son titre lapidaire pourrait le faire croire une simple biographie filmée du peintre : Raoul Ruiz raconte un film imaginé par le peintre Klimt au moment de sa mort en 1918, qui revoit par bribes quelques moments des vingt dernières années de sa vie. Il offre de riches perspectives d’analyse pour les classes de première, en classe de Français et d'Histoire.On pourra initier ainsi les élèves à la biographie en mettant le film en perspective avec le Contre Sainte-Beuve de Proust, en rappelant que le réalisateur a adapté Le Temps retrouvé. En effet, Ruiz ne cherche pas comme bien d’autres dès lors qu’il s’agit de tourner une biographie à rattacher explicitement et rationnellement un homme à son œuvre, au contraire, le film nous fait accéder au moi profond, à travers scènes réelles et fantasmées, qui se chevauchent et s’enchevêtrent, dans un vertige nervalien. On pourra à ce titre relever la présence de personnages réels, tels que le peintre Egon Schiele ou le cinéaste Mélies, face aux personnages rêvés, la comédienne et le fonctionnaire ministériel.Du point du vue de l’objet poétique, on pourra initier les élèves à l’esthétique du miroir, baroque, qui parcourt le film, à travers les reflets dans l’eau, les glaces, et les subtils jeux de double entre le cinéma et la vie (notamment grâce à la figure de Mélies, qui introduit dans le film le procédé de mise en abîme). Le film est en effet empreint d’une beauté inquiétante, au goût de poison lancinant. On pourrait à ce titre comparer en classe des tableaux de Klimt, et des poèmes de Baudelaire, afin d’étudier la sensualité érotique qui se dégage des traits de pinceau et des mots du poète.Du point de vue du mouvement culturel et littéraire, on pourra imaginer un travail transdisciplinaire. Les allusions aux premiers pas de la psychanalyse, à Schnitzler (le réalisateur a sous-titré son film "A la manière de Schnitzler", on pense notamment à La Nouvelle rêvée), mais aussi à Kafka (à travers le personnage ambigu du fonctionnaire et le motif du labyrinthe) pourront révéler aux élèves l’unité d’une Europe comme creuset culturel avant qu’elle ne soit taillée en pièces par la Grande Guerre. Ce contexte artistique et culturel s’inscrit bien dans le programme de Première ES/L d’Histoire qui met l’accent sur les pratiques culturelles ainsi que les mouvements artistiques et culturels du milieu du XIXe siècle à 1939 en Europe notamment. On rappellera ainsi la date-clé du 3 avril 1897, à laquelle le peintre rompt avec l'académisme en fondant le mouvement de la Sécession viennoise.De manière plus fine, on fera apprécier aux élèves le choix de l’acteur qui incarne Egon Schiele, à partir des autoportraits du peintre, notamment le sourire grimaçant et les mains fines tordues par l’angoisse, tout comme la beauté des personnages féminins évoquant les portraits des magiciennes fatales, ensorceleuses professionnelles. De Paris à Vienne (cf la récente exposition Vienne 1900), entre Symbolisme, Décadentisme et Surréalisme, le réalisateur nous plonge dans les failles de qu’on a pu appeler de manière lisse la "Belle époque".En complément et pour les Arts Plastiques, on pourra consulter ce "dossier Klimt", et le site officiel… allemand du film.[Klimt de Raoul Ruiz. 2005. Durée : 2 h 07 mn. Distribution : Gémini. Sortie le 26 avril 2006]