Pour échapper à la cohabitation avec sa grande sœur que l’adolescence éloigne progressivement d’elle, Jorgelina décide de passer les grandes vacances avec son père, dans un domaine de la pampa argentine. Elle y retrouve Mario, le fils des ouvriers agricoles du domaine, lui aussi aux prises avec les transformations de la puberté.
A travers les yeux de la petite Jorgelina, Le dernier été de la Boyita analyse le glissement hors de l’enfance (symbolisée par la "Boyita", caravane-terrain de jeu échouée dans le jardin familial) et la construction adolescente d’identités sexuées. C'est le choix de ce point de vue (une petite fille qui observe sans les comprendre les bouleversements qui frappent ses aînés) qui donne son originalité et sa fraîcheur au film de l'argentine Julia Solomonoff, sur un sujet déjà largement exploré par le cinéma. Mais l'autre grande qualité du Dernier été de la Boyita est de replacer ses personnages dans un temps (le début des années quatre-vingt), un lieu (la campagne argentine) et milieu social déterminés (le père de Jorgelina est médecin, celui de Mario appartient au monde des peones), et de nouer les questionnements intimes à un écheveau de relations familiales, sociales, économiques. Cet arrière-plan donne aux personnages adultes épaisseur et subtilité, et dissuade de les juger trop hâtivement : ainsi on comprend que les parents de Mario, qui appartiennent à la communauté allemande rurale de l'état d'Entrerios, ne sont pas vraiment "armés" pour faire face à ce qui arrive à leur fils. Difficile d'en dire plus sur Le dernier de la Boyita sans en déflorer l'intérêt, puisque l’intrigue du film s’organise autour du dévoilement progressif d’un secret. Le charme du film tient à la justesse avec laquelle Julia Solomonoff rend compte du cheminement de sa petite héroïne (ainsi quand "Jorge" se bouche les oreilles pour ne pas entendre l'explication scientifique délivrée par son père), ainsi qu'à la manière naturaliste et presque sensuelle qu'elle a de s'attarder sur la campagne, les chevaux, les travaux des champs (belle scène sur le sacrifice d'un bœuf pour la fête annuelle du village, qui fait penser à L'Apprenti de Samuel Collardey). Ses qualités-mêmes (subtilité, rythme paisible) rendent le film peut-être un peu difficile d’accès pour des jeunes collégiens (qui ont peu ou prou l’âge des personnages du film), mais un travail très intéressant peut être mené à partir de la troisième ainsi qu'au lycée (en lien éventuellement avec le cours de SES). Le site Cinélangues propose un dossier pédagogique d'une trentaine de pages, largement illustré et couvrant l'ensemble des thématiques du films.
[Le dernier été de la Boyita de Julia Solomonoff. 2010. Durée : 1 h 30. Distribution : Epicentre. Sortie le 8 septembre 2010]
