Patients©Gaumont Distribution

Patients : humour adapté

Critique
de Mehdi Idir
110 minutes 2017

« Trouver un espoir adapté ». C’est ce que propose Fabien Marsaud (alias Grand Corps Malade) dans la chanson qui accompagne le générique de fin de son premier long-métrage, Patients, coréalisé avec Mehdi Idir. « Adapté », c’est d’ailleurs le maître mot de cette comédie hospitalière. En effet, si la réalisation est parfois maladroite, elle se caractérise par un parti pris clair et efficace : nous placer au plus près de son héros pour nous faire vivre son évolution… Lorsque le spectateur découvre Ben, c’est à travers les propres yeux de ce jeune sportif rendu tétraplégique par un plongeon dans une piscine trop peu remplie (le procédé rappelle Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel, où la caméra clignait en même temps que l’œil du personnage). C’est donc avec Ben que le spectateur se réveille dans une chambre d’hôpital dont il ne voit que le néon au plafond ; avec lui qu’il aperçoit, en contre-plongée, des soignants se succédant à son chevet avec plus ou moins de bienveillance. Le rapport à l’espace témoigne de ce parti pris judicieux, qui permet une rapide identification au personnage principal : au fur et à mesure de la rémission de Ben, qui apprend à bouger un orteil, puis un bras, puis une jambe, le champ géographique du spectateur s’élargit. Du lit d’hôpital on passera à la chambre du centre de rééducation, puis à ses couloirs quand Ben apprend à se déplacer en fauteuil roulant, à la cantine quand il peut à nouveau manger seul, au parvis devant l’entrée et à la forêt qui entoure le centre, et, finalement, à la salle de sport où les anciens coéquipiers de Ben disputent un match de basket.

Mais s’il privilégie le point de vue de son personnage principal, le film ne délaisse pas les autres pour autant, construisant autour de Ben une galerie de personnages (patients autant que soignants) très réussie. Directement inspiré de l’histoire de Grand Corps Malade, qui trouve en Ben son alter ego, Patients n’est ainsi pas un panégyrique à la gloire du chanteur, qui raconterait comment Fabien Marsaud, ancien espoir sportif, est devenu Grand Corps Malade, slammeur à succès. L’objectif du film est avant tout de porter un regard, aussi bienveillant qu’humoristique, sur le handicap, en abordant un grand nombre de problématiques qui y sont liées : Patients évoque ainsi les efforts considérables que demandent désormais les tâches quotidiennes les plus simples, ou encore l’importance de pouvoir partager ses difficultés quotidiennes avec d’autres jeunes handicapés. Si tout pathos est proscrit, le film n’élude ni le désespoir de certains patients ni les frictions qui naissent à l’intérieur du centre.

Mais les deux réalisateurs croient en l’espoir, et font donc pour tout par le maintenir, à commencer par assaisonner d’une bonne dose d’humour leur chronique hospitalière. À la fameuse question « Peut-on rire de tout ? », Grand Corps Malade répond qu’il faut commencer par rire de soi. En témoigne cette séquence, répétée tout au long du film, où l’un des amis de Ben lui demande de passer le sel à table – geste rendu impossible par la tétraplégie du jeune homme. Cette ironie avec laquelle il se regarde permet ainsi à Grand Corps Malade d’attaquer – gentiment – ceux qui gravitent autour de Ben : un aide-soignant est ridiculisé pour son enthousiasme débordant, un pensionnaire moqué pour sa passion pour les voitures de course. Ce recours systématique à l’humour, qui rappelle certaines comédies américaines à succès, décrit bien le projet de Marsaud et Idir : faire un film grand public sur un sujet qui ne l’est pas – le handicap. En ce sens, Patients ne manquera pas de faire rire et réfléchir les jeunes, collégiens et lycéens. On ne peut donc que recommander aux professeurs de s’y pencher.

Le film pourra ainsi être exploité en Français, en 5ème dans le cadre de la séquence « Avec autrui : amis, famille, réseau », pour interroger les notions d’amitié et de solidarité entre patients, ainsi que le rôle de la famille, ou plus encore en 3e pour illustrer la séquence « Se raconter, se représenter ». Film raconté « à la première personne », Patients transpose ainsi au cinéma le narrateur interne que l’on trouve en littérature, ce qui permettra au professeur d’établir un pont entre le film et certaines œuvres littéraires du programme. Le film permet aussi de travailler avec les élèves sur la frontière entre la biographie et l’invention (si le film est inspiré d’une histoire vraie, certains passages et personnages ont été romancés) : on pourra ainsi proposer aux élèves un travail de comparaison entre, d’une part, le film et, d’autre part, le livre du même nom, récit documentaire des semaines passées en centre de rééducation par Grand Corps Malade. Au lycée, Patients pourra également apporter un complément accessible et pertinent aux cours de sciences médico-sociales (baccalauréat ST2S, Sciences et technologies de la santé et du social). En première année, la séquence « Diversité des déterminants sociaux » fait appel à des problématiques soulevées dans le film, notamment la diversité des causes du handicap, ou une réflexion sur le profil social des patients. En Terminale ST2S, Patients s'intègrera à la matière « Activités technologiques » pour une réflexion sur les activités proposées aux jeunes patients dans les centres de rééducation.