Pour un seul de mes deux yeux d'Avi Mograbi

Pour un seul de mes deux yeux d'Avi Mograbi

Les films d’Avi Mograbi (Comment j’ai surmonté ma peur et appris à aimer Ariel Sharon, Août avant l’explosion) ont cet immense avantage par rapport à la masse lénifiante des documentaires et reportages sur le "conflit au proche-orient" : ils abordent la réalité israélienne avec un véritable point de vue. Dans Pour un seul de mes deux yeux, il s’agit d’observer Israël à l’aune de ses mythes fondateurs, celui de Samson (cf les images bariolées du peplum de Cecil B. De Mille : le héros aveugle faisant s’écrouler les murs du temple sur les Philistins) et celui de Massada (le suicide collectif des Zélotes assiégés par les romains, tel que raconté par l’historien Flavius Joseph, voir sur Herodote.net) ; deux mythes qui ont pour particularité d’enseigner aux jeunes générations israéliennes que la mort est préférable à la domination… Ça ne vous rappelle rien ?C’est toute la limite de ce film, très bien résumé par un mot de Jean-Louis Comolli (article dans les Cahiers du cinéma.com) : le suicide collectif de Massada et le geste de Samson "riment" avec les attentats-suicides commis par les extrémistes palestiniens. Mais quel est le sens de cette rime ? Le film semble ainsi condamné à juxtaposer les séquences, certes extrêmement fortes, de classes visitant le site touristique (classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 2002) et s’imprégnant du prétendu "héroïsme" des Zélotes (sur lequel il y a beaucoup à redire : voir cette tribune du proviseur d’un lycée de Tel Aviv sur "les dangers du paradigme de Massada"), et des humiliations quotidiennes subies par les Palestiniens, sans jamais dépasser son postulat initial.L’autre limite est celle de ses conditions de production et de diffusion. Israël est une région où l’histoire (le retrait de la bande de Gaza mené par Ariel Sharon et le big bang politique qu’il a entraîné) va plus vite que le cinéma, et Pour un seul des mes deux yeux, nous arrivant après avoir couru le circuit des festivals internationaux, paraît déjà daté. Comme si c’était sur ces évolutions récentes que l’on aimerait entendre la voix singulière et provocante d’Avi Mograbi.On saura gré toutefois au réalisateur de mener une réflexion exigeante et courageuse sur la démocratie (le paradoxe d’Israël, merveilleuse démocratie pour les Israéliens mais n’accordant aucun droit aux Palestiniens) et les mythes fondateurs que chaque pays inculque à sa jeunesse…[Pour un seul de mes deux yeux d’Avi Mograbi. 2004. Durée : 1h40. Distribution : Les Films du Losange. Sortie le 30 novembre 2005]

Les films d’Avi Mograbi (Comment j’ai surmonté ma peur et appris à aimer Ariel Sharon, Août avant l’explosion) ont cet immense avantage par rapport à la masse lénifiante des documentaires et reportages sur le "conflit au proche-orient" : ils abordent la réalité israélienne avec un véritable point de vue. Dans Pour un seul de mes deux yeux, il s’agit d’observer Israël à l’aune de ses mythes fondateurs, celui de Samson (cf les images bariolées du peplum de Cecil B. De Mille : le héros aveugle faisant s’écrouler les murs du temple sur les Philistins) et celui de Massada (le suicide collectif des Zélotes assiégés par les romains, tel que raconté par l’historien Flavius Joseph, voir sur Herodote.net) ; deux mythes qui ont pour particularité d’enseigner aux jeunes générations israéliennes que la mort est préférable à la domination… Ça ne vous rappelle rien ?C’est toute la limite de ce film, très bien résumé par un mot de Jean-Louis Comolli (article dans les Cahiers du cinéma.com) : le suicide collectif de Massada et le geste de Samson "riment" avec les attentats-suicides commis par les extrémistes palestiniens. Mais quel est le sens de cette rime ? Le film semble ainsi condamné à juxtaposer les séquences, certes extrêmement fortes, de classes visitant le site touristique (classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 2002) et s’imprégnant du prétendu "héroïsme" des Zélotes (sur lequel il y a beaucoup à redire : voir cette tribune du proviseur d’un lycée de Tel Aviv sur "les dangers du paradigme de Massada"), et des humiliations quotidiennes subies par les Palestiniens, sans jamais dépasser son postulat initial.L’autre limite est celle de ses conditions de production et de diffusion. Israël est une région où l’histoire (le retrait de la bande de Gaza mené par Ariel Sharon et le big bang politique qu’il a entraîné) va plus vite que le cinéma, et Pour un seul des mes deux yeux, nous arrivant après avoir couru le circuit des festivals internationaux, paraît déjà daté. Comme si c’était sur ces évolutions récentes que l’on aimerait entendre la voix singulière et provocante d’Avi Mograbi.On saura gré toutefois au réalisateur de mener une réflexion exigeante et courageuse sur la démocratie (le paradoxe d’Israël, merveilleuse démocratie pour les Israéliens mais n’accordant aucun droit aux Palestiniens) et les mythes fondateurs que chaque pays inculque à sa jeunesse…[Pour un seul de mes deux yeux d’Avi Mograbi. 2004. Durée : 1h40. Distribution : Les Films du Losange. Sortie le 30 novembre 2005]