Rendez-vous à Brick Lane : brève rencontre

Rendez-vous à Brick Lane : brève rencontre

Le nom de Brick lane, n’évoque sans doute rien au spectateur français. Pour un anglais, il charrie immédiatement des odeurs d’épices et des mélopées orientales. Traditionnelle porte d’entrée dans Londres des immigrants de toutes origines (huguenots, irlandais, juifs ashkénazes), ce quartier de l’East-end est devenu au siècle dernier le foyer de l’immigration indienne musulmane, ce qui lui a valu les surnoms de "Banglatown" ou "Londonistan".Toile de fond du best-seller de la jeune Monica Ali, Sept mers et treize rivières (publié en France chez 10-18), le quartier donne son titre à l’adaptation cinématographique qui en a été tirée par la réalisatrice Sarah Gavron.Née au Bangladesh dans une famille pauvre, envoyée à l’adolescence rejoindre le mari qu’on lui avait choisi, Nazneen est, quand commence le film, une jeune épouse et mère esseulée, isolée dans un pays dont elle maîtrise à peine la langue. Rendez-vous à Brick Lane fait le récit de sa progressive émancipation (ainsi que celle de ses deux filles) des tutelles maritale, religieuse et communautaire : d’abord en acceptant un petit travail de confection à domicile, puis en succombant aux charmes du fils de son commanditaire…Mais tout l’intérêt du film est de raconter, en même temps que l’émancipation des femmes issues de l’immigration bengladaise, l’inexorable "désaffiliation" de leurs hommes : le mari de Nazneen, employé de bureau élevé dans le culte de Shakespeare et Milton, qui se heurte au "plafond de verre" et réagit comme un amoureux trahi ; son amant, jeune homme émancipé qui se troquera ses Levi’s et ses boucles d’oreille pour la barbe et la djellaba des fondamentalistes, en réponse à la flambée du racisme anti-musulmans provoquée par les attentats du 11 septembre.Mélo souvent émouvant malgré quelques effets très appuyés (les flash-backs très clipesques sur l’enfance de Nazneen), Rendez-vous à Brick Lane échappe ainsi aux clichés que charriait un tel sujet (les mariages forcés, l’oppression de la femme musulmane) pour proposer une réflexion sensible et contradictoire sur l’émigration et le déracinement : de quel pays est-on, celui d’où l’on vient ou celui où on est, celui qu’on nous assigne ou celui qu’on choisit ? Il s’appuie avant tout sur une interprétation d’une grande qualité (mention spéciale à Satish Kaushik, qui campe le père, pathétique histrion — il cite Chaucer et Thackeray — qui se révélera sensible et tolérant) et une écriture efficace : on pourra citer la scène où Ahmed (le mari) oppose à la rhétorique religieuse et communautaire de Karim (l’amant), qui en appelle à ses "frères" musulmans, les centaines de milliers de morts que fit la guerre qui opposa le futur Bengladesh au Pakistan.Inutile d’insister sur l’intérêt culturel que le film présente pour les enseignants d’Anglais (sur l'histoire heurtée de l'ex-empire des Indes, l’intégration des immigrés du sous-continent indien en Angleterre, le racisme et le communautarisme après le 11 septembre, cf les Bradford riots). Ils trouveront une section intéressante sur le site anglais du film : "From script to screen",qui propose de comparer trois extraits du film de Sarah Gavron avec les passages correspondants du roman de Monica Ali.

[Rendez-vous à Brick Lane de Sarah Gavron. 2007. Durée : 1 h 37. Distribution : Diaphana. Sortie le 12 mars 2008]

Le nom de Brick lane, n’évoque sans doute rien au spectateur français. Pour un anglais, il charrie immédiatement des odeurs d’épices et des mélopées orientales. Traditionnelle porte d’entrée dans Londres des immigrants de toutes origines (huguenots, irlandais, juifs ashkénazes), ce quartier de l’East-end est devenu au siècle dernier le foyer de l’immigration indienne musulmane, ce qui lui a valu les surnoms de "Banglatown" ou "Londonistan".Toile de fond du best-seller de la jeune Monica Ali, Sept mers et treize rivières (publié en France chez 10-18), le quartier donne son titre à l’adaptation cinématographique qui en a été tirée par la réalisatrice Sarah Gavron.Née au Bangladesh dans une famille pauvre, envoyée à l’adolescence rejoindre le mari qu’on lui avait choisi, Nazneen est, quand commence le film, une jeune épouse et mère esseulée, isolée dans un pays dont elle maîtrise à peine la langue. Rendez-vous à Brick Lane fait le récit de sa progressive émancipation (ainsi que celle de ses deux filles) des tutelles maritale, religieuse et communautaire : d’abord en acceptant un petit travail de confection à domicile, puis en succombant aux charmes du fils de son commanditaire…Mais tout l’intérêt du film est de raconter, en même temps que l’émancipation des femmes issues de l’immigration bengladaise, l’inexorable "désaffiliation" de leurs hommes : le mari de Nazneen, employé de bureau élevé dans le culte de Shakespeare et Milton, qui se heurte au "plafond de verre" et réagit comme un amoureux trahi ; son amant, jeune homme émancipé qui se troquera ses Levi’s et ses boucles d’oreille pour la barbe et la djellaba des fondamentalistes, en réponse à la flambée du racisme anti-musulmans provoquée par les attentats du 11 septembre.Mélo souvent émouvant malgré quelques effets très appuyés (les flash-backs très clipesques sur l’enfance de Nazneen), Rendez-vous à Brick Lane échappe ainsi aux clichés que charriait un tel sujet (les mariages forcés, l’oppression de la femme musulmane) pour proposer une réflexion sensible et contradictoire sur l’émigration et le déracinement : de quel pays est-on, celui d’où l’on vient ou celui où on est, celui qu’on nous assigne ou celui qu’on choisit ? Il s’appuie avant tout sur une interprétation d’une grande qualité (mention spéciale à Satish Kaushik, qui campe le père, pathétique histrion — il cite Chaucer et Thackeray — qui se révélera sensible et tolérant) et une écriture efficace : on pourra citer la scène où Ahmed (le mari) oppose à la rhétorique religieuse et communautaire de Karim (l’amant), qui en appelle à ses "frères" musulmans, les centaines de milliers de morts que fit la guerre qui opposa le futur Bengladesh au Pakistan.Inutile d’insister sur l’intérêt culturel que le film présente pour les enseignants d’Anglais (sur l'histoire heurtée de l'ex-empire des Indes, l’intégration des immigrés du sous-continent indien en Angleterre, le racisme et le communautarisme après le 11 septembre, cf les Bradford riots). Ils trouveront une section intéressante sur le site anglais du film : "From script to screen",qui propose de comparer trois extraits du film de Sarah Gavron avec les passages correspondants du roman de Monica Ali.

[Rendez-vous à Brick Lane de Sarah Gavron. 2007. Durée : 1 h 37. Distribution : Diaphana. Sortie le 12 mars 2008]