Rien de personnel : une soirée particulière

Rien de personnel : une soirée particulière

Dans Le Cœur conscient (1960), Bruno Betteleheim écrivait : "Si vous voulez briser la résistance des hommes, c’est très simple. Il suffit de créer de l’incertitude. Il suffit qu’ils ne sachent plus de quoi demain sera fait. Confronté à l’incertitude permanente, au fait de savoir si son poste va être transformé ou non, sa place prise ou non, son métier changé ou non, l’homme perd toute espèce de résistance".  Si l’on connaissait déjà la précarisation du monde ouvrier, le premier film de Mathias Gokalp vient nous confirmer que celui des cadres n’est pas épargné. Rien de personnel nous entraîne au sein des laboratoires Muller et nous fait découvrir des techniques de management très particulières. Au cours d’une soirée les cadres de l’entreprise vont devoir se livrer à une sorte de "speed dating", exercice censé permettre d’évaluer leurs compétences. Mais les rumeurs de rachat de l’entreprise, la présence de l’époux de la directrice de communication (peu au fait des us et coutumes du monde des cadres et des techniques de management), ou l’homme de ménage qui finit par être confondu avec le PDG des laboratoires Muller sont autant de grains de sable qui vont venir faire dérailler cette séance de travail un peu particulière. La soirée va devenir le miroir d’une société malade, d’un monde vivant dans l’insécurité permanente. Ce qui n’aurait pu être qu’un film quasi documentaire sur le monde précarisé des cadres devient alors, une formidable réflexion sur l’individualisme poussé à son paroxysme, une fable des temps modernes, où le cynisme et la peur font bon ménage. Rien de personnel permettra aux enseignants de Sciences Economiques et Sociales d’aborder de nombreux thèmes proposés dans les programmes de seconde, de première ES et de terminale ES. Ainsi, en Seconde et en Terminale ES, le film peut être l’occasion de travailler le lien entre les modes d’organisation du travail et les relations de travail ( les conditions de travail, ou la question du conflit). En effet, l’individualisation des rapports au sein de l’entreprise peut permettre de comprendre pourquoi les conflits du travail, qui n’ont pas disparu, sont cependant moins importants que dans les années soixante dix. La scène entre le syndicaliste et le chef d’entreprise est, à ce titre, éloquente. Ces éléments trouvent aussi leur place spécifiquement dans le programme de terminale ES (dans la partie "mutation du travail et conflits sociaux"). De même, le film peut être exploité dans le cadre de l’étude de la cohésion sociale et les instances d’intégration, la question du lien social,  ici dans le monde des cadres, et plus généralement dans l’entreprise, est posée, et permet de s’interroger sur ce qui le fonde. La concurrence entre les individus peut-elle être facteur d’efficacité économique et sociale ? La solidarité, le collectif ont-ils encore leur place dans le monde du travail ? Ces questions peuvent aussi être abordées en Première ES, en option sciences politiques, où la notion de pouvoir est travaillée (sous-partie portant sur la citoyenneté et le lien social). En tronc commun, on pourra aussi travailler le notion de culture et celle de la socialisation secondaire. Pour tous les enseignants qui éduquent à l’image, c’est aussi un exercice de style particulièrement réussi, qui permet d’analyser sans difficultés la question du point de vue, et de décortiquer les parti pris du metteur en scène : la construction en trois  "chapitres" nous fait revivre une même scène plusieurs fois (mêmes personnages, même lieu, même temps) sous un angle différent, ce qui déstabilise le spectateur et fait évoluer son appréhension des personnages (ainsi la jeune cadre interprétée par Mélanie Doutey ou le personnage de Jean-Pierre Darroussin).

[Rien de personnel de Mathias Gokalp.2009. Durée : 1h31. Distribution : Rezofilms. Sortie le 16 septembre 2009]

Dans Le Cœur conscient (1960), Bruno Betteleheim écrivait : "Si vous voulez briser la résistance des hommes, c’est très simple. Il suffit de créer de l’incertitude. Il suffit qu’ils ne sachent plus de quoi demain sera fait. Confronté à l’incertitude permanente, au fait de savoir si son poste va être transformé ou non, sa place prise ou non, son métier changé ou non, l’homme perd toute espèce de résistance".  Si l’on connaissait déjà la précarisation du monde ouvrier, le premier film de Mathias Gokalp vient nous confirmer que celui des cadres n’est pas épargné. Rien de personnel nous entraîne au sein des laboratoires Muller et nous fait découvrir des techniques de management très particulières. Au cours d’une soirée les cadres de l’entreprise vont devoir se livrer à une sorte de "speed dating", exercice censé permettre d’évaluer leurs compétences. Mais les rumeurs de rachat de l’entreprise, la présence de l’époux de la directrice de communication (peu au fait des us et coutumes du monde des cadres et des techniques de management), ou l’homme de ménage qui finit par être confondu avec le PDG des laboratoires Muller sont autant de grains de sable qui vont venir faire dérailler cette séance de travail un peu particulière. La soirée va devenir le miroir d’une société malade, d’un monde vivant dans l’insécurité permanente. Ce qui n’aurait pu être qu’un film quasi documentaire sur le monde précarisé des cadres devient alors, une formidable réflexion sur l’individualisme poussé à son paroxysme, une fable des temps modernes, où le cynisme et la peur font bon ménage. Rien de personnel permettra aux enseignants de Sciences Economiques et Sociales d’aborder de nombreux thèmes proposés dans les programmes de seconde, de première ES et de terminale ES. Ainsi, en Seconde et en Terminale ES, le film peut être l’occasion de travailler le lien entre les modes d’organisation du travail et les relations de travail ( les conditions de travail, ou la question du conflit). En effet, l’individualisation des rapports au sein de l’entreprise peut permettre de comprendre pourquoi les conflits du travail, qui n’ont pas disparu, sont cependant moins importants que dans les années soixante dix. La scène entre le syndicaliste et le chef d’entreprise est, à ce titre, éloquente. Ces éléments trouvent aussi leur place spécifiquement dans le programme de terminale ES (dans la partie "mutation du travail et conflits sociaux"). De même, le film peut être exploité dans le cadre de l’étude de la cohésion sociale et les instances d’intégration, la question du lien social,  ici dans le monde des cadres, et plus généralement dans l’entreprise, est posée, et permet de s’interroger sur ce qui le fonde. La concurrence entre les individus peut-elle être facteur d’efficacité économique et sociale ? La solidarité, le collectif ont-ils encore leur place dans le monde du travail ? Ces questions peuvent aussi être abordées en Première ES, en option sciences politiques, où la notion de pouvoir est travaillée (sous-partie portant sur la citoyenneté et le lien social). En tronc commun, on pourra aussi travailler le notion de culture et celle de la socialisation secondaire. Pour tous les enseignants qui éduquent à l’image, c’est aussi un exercice de style particulièrement réussi, qui permet d’analyser sans difficultés la question du point de vue, et de décortiquer les parti pris du metteur en scène : la construction en trois  "chapitres" nous fait revivre une même scène plusieurs fois (mêmes personnages, même lieu, même temps) sous un angle différent, ce qui déstabilise le spectateur et fait évoluer son appréhension des personnages (ainsi la jeune cadre interprétée par Mélanie Doutey ou le personnage de Jean-Pierre Darroussin).

[Rien de personnel de Mathias Gokalp.2009. Durée : 1h31. Distribution : Rezofilms. Sortie le 16 septembre 2009]