Le chanteur de Gaza©La Belle Company

Le Chanteur de Gaza : Palestinian idol

Critique
de Hany Abu-Assad
95 minutes 2017

Le 22 juin 2013, le présentateur d’Arab Idol (équivalent de la Nouvelle Star dans le monde arabe) annonce le sacre du Palestinien Mohammed Assaf. Feux d’artifices, concert de klaxons, danses : la Palestine toute entière explose de joie. Ce soir-là, Mohammed Assaf, qui est né en Libye, est arrivé à Gaza à l’âge de 4 ans et a grandi dans le camp de réfugiés de Khan Younes, devient l’icône de tout un peuple. Son parcours fait de lui le symbole des difficultés quotidiennes subies par les Palestiniens, et sa victoire celui de la combativité d’un peuple malmené par l’histoire.

Mais si l’histoire est belle, le film d’Hany Abu-Assad (Omar, Paradise Now) se contente de la retracer sans grande inventivité ni profondeur. On en sort certes le sourire aux lèvres, mais avec l’impression tenace que le réalisateur est passé à côté de son sujet. De tout le film, on ne comprendra en effet jamais pourquoi le héros chante, la musique apparaissant ici comme un simple prétexte à la success-story. La première partie est moins consacré à la naissance d’un talent qu’au récit des aventures de quatre enfants dans la bande de Gaza. Cette séquence enfantine n’en constitue pas moins la meilleure part du film, car Hany Abu-Assad y propose une représentation humaniste de ces enfants gazaouis. À rebours de l’image d’éternelles victimes (de la guerre ou du blocus) que laisse l'écume de l'actualité, les enfants du film sont montrés comme bien vivants, espiègles, débrouillards, et convaincus que le futur n’aura d’autre choix que de se plier à leurs désirs. Peu importe qu’ils soient enfermés dans une bande de terre de 360 km2, peu importe que les instruments sur lesquels ils jouent soient bricolés avec trois fois rien : la sœur de Mohammed, Nour, répète à qui veut bien l’entendre qu’ils se produiront un jour à l’opéra du Caire. La réussite de cette première partie tient grandement au personnage de Nour, de loin le plus enthousiasmant du film. La petite fille n’a pas sa langue dans sa poche, affirme sans sourciller qu’elle ne se mariera jamais, et ne cesse d’encourager les trois garçons qui l’entourent à croire en leurs rêves. Grâce à cette figure féminine forte, le film réfute l’idée d’une soumission totale des filles et des femmes gazaouies. Mais Hany Abu-Assad se garde de tomber dans l’angélisme, son trio de personnages féminins (Nour, sa mère et sa meilleure amie) permettant d’exprimer de manière riche et nuancée la difficulté d’être une femme dans une société patriarcale – les libertés qu’elles conquièrent et les stratégies qu’elles inventent pour contourner des traditions machistes les plus immuables.

Malheureusement, Nour disparaît dans la deuxième partie du film, située une dizaine d’années après la première. La petite fille s’étant imposée comme le personnage principal du film, celui-ci ne sait plus très bien à quoi se raccrocher. Le réalisateur se raccroche dès lors à une succession de péripéties : la frontière entre Gaza et l’Égypte étant fermée, Mohammed doit ruser pour parvenir au Caire ; il rentre ensuite par effraction dans l’hôtel où ont lieu les auditions, et s’engage dans une course-poursuite avec les agents de sécurité ; enfin, au cours de semaines de tournage de l’émission, il doit lutter contre la pression de plus en grande que fait peser sa notoriété naissante sur ses frêles épaules. Mais Hany Abu-Assad ne réussit pas à construire de véritable suspense, de sorte que l’intérêt du spectateur se délite peu à peu. Il oublie également de s’intéresser à la psychologie de son personnage, de sonder ses failles et ses douleurs. Mohammed est ainsi cantonné à son rôle d’idole palestinienne, obligé de n’être qu’une feuille blanche sur lequel chacun, qu’il soit téléspectateur ou réalisateur, peut écrire ce qu’il veut. Son incroyable parcours valait probablement mieux que cela.