Une suite qui dérange : l'autocélébration au détriment de la pédagogie

Critique
de Boni Cohen
98 minutes 2017

En 2006, le documentaire Une vérité qui dérange avait valu à Al Gore un prix Nobel de la paix. Grâce à des images-choc et à un sens certain de la vulgarisation scientifique, l’ex-vice-président des États-Unis faisait prendre conscience à ses spectateurs de la réalité du réchauffement climatique. Dix ans plus tard, celle-ci fait régulièrement sentir ses effets dramatiques, impactant les vies de millions de personnes à travers le monde. Le « temps de l’action » est venu, nous disent les réalisateurs Bonni Cohen et Jon Shenk, qui ont à nouveau suivi cet infatigable militant de l’écologie dans son combat, de la formation d’ambassadeurs climatiques aux négociations de la COP 21.

Mais l’efficacité du premier opus s’est hélas perdue en route, au profit d'une gênante célébration de l’ancien vice-président nobélisé. À force d’omniprésence et d’autosatisfaction, la personnalité d’Al Gore prend le pas sur son message, pourtant essentiel : dès la première séquence, où l’on observe avec effarement la fonte des glaciers du Groenland, la voix off s’attache moins à décrire ce désastre écologique majeur qu’à expliquer en quoi il prouve, dix ans plus tard, combien Al Gore avait raison. L’agacement ne tarde donc à poindre, ravivé par l’instrumentalisation grossière d’événements dramatiques comme les attentats du 13 novembre 2015, afin de valoriser l’humanité et l’empathie d’Al Gore (qui se trouvait présent à Paris ce soir-là pour l’enregistrement d’une émission de télévision).

Tout cela est d’autant plus dommage que le documentaire avait les moyens d’éveiller un large public à l’urgence d’agir contre le réchauffement climatique, comme le montrent certaines séquences très efficaces (ainsi celle où Al Gore nous emmène dans la ville de Miami qui doit doit surélever ses routes pour s’adapter aux inondations de plus en plus fréquentes). Mais même quand il s’attaque aux questions cruciales, le film semble passer à côté de l’essentiel. Les deux réalisateurs suivent notamment les discussions, avant et pendant la COP21, entre les Américains et les Indiens. La question posée par les Indiens est d’importance : est-ce aux pays en voie de développement de payer pour les actions passées des pays développés ? Mais la rencontre entre Al Gore et deux ministres indiens en charge de ces questions escamote cet aspect fondamental, et verse dans le simplisme le plus grossier en montrant Al Gore gourmandant les deux ministres comme des mauvais élèves, leur demandant « s’ils n’ont pas envie de voir le ciel bleu dans leurs villes ».

Quelques séquences pourront toutefois être isolées par les professeurs de SVT. En Seconde générale, ils pourront reprendre une séquence sur l’énergie solaire pour l’inscrire dans le thème 2 du programme scolaire, « Enjeux planétaires contemporains : énergie, sol ». En spécialité en Terminale S, ils pourront aussi illustrer la thématique « Évolutions récentes du climat » grâce aux images spectaculaires de l’effondrement des glaciers et de la fonte des glaces au Groenland. Un dossier pédagogique propose par ailleurs des pistes très fouillées pour travailler autour du film au collège et au lycée, en SVT, mais également dans le cadre d’un EPI associant l'EMC et Français.

Merci à Armand Audinos, professeur de SVT, pour sa contribution à cet article