Bamako, la mondialisation en procès

Bamako, la mondialisation en procès

Représenter l'Afrique : c'est la gageure que s'est assigné Abderrahmane Sissako avec Bamako. Représenter cinématographiquement (ce qu'il ne pouvait prévoir) tout d'abord, puisqu'il était cette année le seul film africain présenté en Sélection Officielle au Festival de Cannes, et qu'il est un des rares à bénéficier d'une sortie et d'une exposition médiatique décentes. Représenter politiquement ensuite, puisqu'il s'agit rien moins que de donner voix à la colère et au désespoir d'un continent : "Parce que je suis cinéaste, je dois faire un film qui soit la voix de millions de gens : donner la parole à ceux qui ont besoin de crier une forme d'injustice." déclarait ainsi le réalisateur en conférence de presse. Il le fait avec bonheur en renouvelant l'approche du film anti-mondialisation : il ne s'agit pas ici d'une nouvelle enquête implacable sur les mécanismes pervers qui étranglent l'Afrique, ou d'un nouveau témoignage-choc sur la misère dans laquelle le contient se débat (voir les précédents Djourou ou Cauchemar de Darwin) ; mais plutôt d'une (re)prise de parole inédite et du fantasme d'une justice enfin rendue : celle, patiente et méthodique, d'un procès où Banque Mondiale et FMI devraient enfin rendre compte de leurs politiques devant ceux qui les ont subies ; celle, plus violente et expéditive, de Death in Timbuktu, grinçante parodie de western qui voit un justicier solitaire (incarné par Danny Glover) abattre les brutaux séides de ces organisations internationales. Précisons d'emblée que sa longueur (près de deux heures) et son caractère parfois aride ne font pas de Bamako un objet d'étude aisé… Le jeu en vaut cependant la chandelle tant les thématiques du film l'inscrivent au cœur des programmes du secondaire, et tant Abderrahmane Sissako leur donne une traduction cinématographique originale. C'est pourquoi Zéro de conduite.net a consacré un dossier pédagogique à Bamako, et demandé à trois enseignants une didactisation du film : en ECJS et en SES (en Terminale) sur le thème de la mondialisation tout d'abord ; en Français ensuite sur les procédés mis au service des thèses du film, qu'on peut renvoyer à la tradition rhétorique : l'écriture de l'éloge et du blâme utilisée par les avocats dans leurs plaidoiries, et l'apologue, genre auquel s'apparente le "film dans le film". On pourra compléter ces approches par le passionnant supplément Cinéclasse consacré au film par notre partenaire Le Monde de l'Education, notamment pour la longue interview de la géographe (et ex-responsable humanitaire) Sylvie Brunel ; et faire un tour sur le site du film qui présente de nombreuses infos sur le film et sa sortie, notamment concernant les débats qui seront animés dans toute la France par les associations partenaires du film, dont par exemple le Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers-Monde. [Bamako d'Abderrahmane Sissako. 2006. Durée : 1 h 58 mn. Distribution : Les Films du Losange. Sortie le 18 octobre 2006]

Représenter l'Afrique : c'est la gageure que s'est assigné Abderrahmane Sissako avec Bamako. Représenter cinématographiquement (ce qu'il ne pouvait prévoir) tout d'abord, puisqu'il était cette année le seul film africain présenté en Sélection Officielle au Festival de Cannes, et qu'il est un des rares à bénéficier d'une sortie et d'une exposition médiatique décentes. Représenter politiquement ensuite, puisqu'il s'agit rien moins que de donner voix à la colère et au désespoir d'un continent : "Parce que je suis cinéaste, je dois faire un film qui soit la voix de millions de gens : donner la parole à ceux qui ont besoin de crier une forme d'injustice." déclarait ainsi le réalisateur en conférence de presse. Il le fait avec bonheur en renouvelant l'approche du film anti-mondialisation : il ne s'agit pas ici d'une nouvelle enquête implacable sur les mécanismes pervers qui étranglent l'Afrique, ou d'un nouveau témoignage-choc sur la misère dans laquelle le contient se débat (voir les précédents Djourou ou Cauchemar de Darwin) ; mais plutôt d'une (re)prise de parole inédite et du fantasme d'une justice enfin rendue : celle, patiente et méthodique, d'un procès où Banque Mondiale et FMI devraient enfin rendre compte de leurs politiques devant ceux qui les ont subies ; celle, plus violente et expéditive, de Death in Timbuktu, grinçante parodie de western qui voit un justicier solitaire (incarné par Danny Glover) abattre les brutaux séides de ces organisations internationales. Précisons d'emblée que sa longueur (près de deux heures) et son caractère parfois aride ne font pas de Bamako un objet d'étude aisé… Le jeu en vaut cependant la chandelle tant les thématiques du film l'inscrivent au cœur des programmes du secondaire, et tant Abderrahmane Sissako leur donne une traduction cinématographique originale. C'est pourquoi Zéro de conduite.net a consacré un dossier pédagogique à Bamako, et demandé à trois enseignants une didactisation du film : en ECJS et en SES (en Terminale) sur le thème de la mondialisation tout d'abord ; en Français ensuite sur les procédés mis au service des thèses du film, qu'on peut renvoyer à la tradition rhétorique : l'écriture de l'éloge et du blâme utilisée par les avocats dans leurs plaidoiries, et l'apologue, genre auquel s'apparente le "film dans le film". On pourra compléter ces approches par le passionnant supplément Cinéclasse consacré au film par notre partenaire Le Monde de l'Education, notamment pour la longue interview de la géographe (et ex-responsable humanitaire) Sylvie Brunel ; et faire un tour sur le site du film qui présente de nombreuses infos sur le film et sa sortie, notamment concernant les débats qui seront animés dans toute la France par les associations partenaires du film, dont par exemple le Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers-Monde. [Bamako d'Abderrahmane Sissako. 2006. Durée : 1 h 58 mn. Distribution : Les Films du Losange. Sortie le 18 octobre 2006]