L'Empire du milieu du Sud : Indochine

L'Empire du milieu du Sud : Indochine

Même s'il est cosigné par l'historien et cinéaste Eric Deroo, même s'il est constituée uniquement d'images d'archives, L'Empire du milieu du Sud n'est pas un film d'histoire. Dès son somptueux générique, il nous emmène sur le terrain et de l'épopée et du mythe, à la rencontre d'un pays né il y a plus de quarante siècles : "… le seigneur Lac Long Quan qui règnait au Sud de la Chine, dit à son épouse : "je suis de la race des dragons, toi des immortelle, il faut nous séparer." Le roi emmena 50 fils vers les plaines et les côtes tandis que 50 autres enfants suivirent leur mer en direction des montagnes. Depuis, l'histoire du peuple viet est celle d'une longue marche vers le Sud." (Légende de rois Hung).

Le film commence un peu plus tard, au début de ce siècle (quand les premiers opérateurs français commencent à saisir des images sur le sol vietnamien) et s'achèvera à la chute de Saïgon, le 30 avril 1975 (quand les soldats américains abandonnent le Sud-Vietnam aux forces communistes du Nord). Film de montage, L'Empire du Milieu du Sud est le résultat d'un travail titanesque de rassemblement, de recension, et de restauration, et finalement de tri, de toutes les images tournées au Vietnam au cours du XXème siècle. De ce matériau souvent inédit, Jacques Perrin (le lieutenant de la 317ème section de Pierre Schoendoerffer) et Eric Deroo ont préféré tirer non pas une énième histoire de la péninsule indochinoise, mais un poème cinématographique à la gloire d'un pays qui a fasciné tous les étrangers (colons, journalistes, combattants surtout) qui l'ont foulé ; à un commentaire didactique en voix-off, ils ont ainsi préféré, une anthologie de textes sur le Vietnam (vers, extraits de romans, correspondances de soldats, journaux), dont certains sonnent familièrement à nos oreilles (Duras, Malraux), mais dont la plupart appartiennent à une tradition littéraire très méconnue sous ces latitudes. On est souvent conquis par le souffle lyrique du film, porté par la sublime bande originale (qui mêle la musique originale de Cyrille Aufort et des extraits classiques), saisi par sa prégnante mélancolie. On est parfois au contraire frustrés devant une telle avalanche d’images et de mots, en manque cruel de repères et d'éléments de compréhension ; et ce d'autant que l'approche nationalo-mythique du documentaire écrase un peu les perspectives historiques : en fondant tous les ismes (colonialisme, capitalisme, communisme) dans le même chaudron, toutes les souffrances dans la même tragédie, en enterrant tous les morts (soldats français, américains, vietnamiens) dans le même tombeau, pas sûr que L'Empire du milieu du Sud n'améliore notre compréhension de la "tragédie indochinoise". 

En sortant, on se prend à rêver d’une (impossible ?) édition DVD qui donnerait accès, à côté du film dans sa forme actuelle, aux références de tous les éléments qui le composent (textes et images) ; d'un dispositif qui concilierait le spectacle et la pédagogie, le souffle et la rigueur, l’âme de "l’Empire du Milieu du Sud" et l’histoire du Vietnam…

[L'Empire du milieu du sud de Eric Deroo et Jacques Perrin. 2010. Durée : 1 h 26. Distribution : Les Acacias. Sortie le 24 novembre 2010] .

Même s'il est cosigné par l'historien et cinéaste Eric Deroo, même s'il est constituée uniquement d'images d'archives, L'Empire du milieu du Sud n'est pas un film d'histoire. Dès son somptueux générique, il nous emmène sur le terrain et de l'épopée et du mythe, à la rencontre d'un pays né il y a plus de quarante siècles : "… le seigneur Lac Long Quan qui règnait au Sud de la Chine, dit à son épouse : "je suis de la race des dragons, toi des immortelle, il faut nous séparer." Le roi emmena 50 fils vers les plaines et les côtes tandis que 50 autres enfants suivirent leur mer en direction des montagnes. Depuis, l'histoire du peuple viet est celle d'une longue marche vers le Sud." (Légende de rois Hung).

Le film commence un peu plus tard, au début de ce siècle (quand les premiers opérateurs français commencent à saisir des images sur le sol vietnamien) et s'achèvera à la chute de Saïgon, le 30 avril 1975 (quand les soldats américains abandonnent le Sud-Vietnam aux forces communistes du Nord). Film de montage, L'Empire du Milieu du Sud est le résultat d'un travail titanesque de rassemblement, de recension, et de restauration, et finalement de tri, de toutes les images tournées au Vietnam au cours du XXème siècle. De ce matériau souvent inédit, Jacques Perrin (le lieutenant de la 317ème section de Pierre Schoendoerffer) et Eric Deroo ont préféré tirer non pas une énième histoire de la péninsule indochinoise, mais un poème cinématographique à la gloire d'un pays qui a fasciné tous les étrangers (colons, journalistes, combattants surtout) qui l'ont foulé ; à un commentaire didactique en voix-off, ils ont ainsi préféré, une anthologie de textes sur le Vietnam (vers, extraits de romans, correspondances de soldats, journaux), dont certains sonnent familièrement à nos oreilles (Duras, Malraux), mais dont la plupart appartiennent à une tradition littéraire très méconnue sous ces latitudes. On est souvent conquis par le souffle lyrique du film, porté par la sublime bande originale (qui mêle la musique originale de Cyrille Aufort et des extraits classiques), saisi par sa prégnante mélancolie. On est parfois au contraire frustrés devant une telle avalanche d’images et de mots, en manque cruel de repères et d'éléments de compréhension ; et ce d'autant que l'approche nationalo-mythique du documentaire écrase un peu les perspectives historiques : en fondant tous les ismes (colonialisme, capitalisme, communisme) dans le même chaudron, toutes les souffrances dans la même tragédie, en enterrant tous les morts (soldats français, américains, vietnamiens) dans le même tombeau, pas sûr que L'Empire du milieu du Sud n'améliore notre compréhension de la "tragédie indochinoise". 

En sortant, on se prend à rêver d’une (impossible ?) édition DVD qui donnerait accès, à côté du film dans sa forme actuelle, aux références de tous les éléments qui le composent (textes et images) ; d'un dispositif qui concilierait le spectacle et la pédagogie, le souffle et la rigueur, l’âme de "l’Empire du Milieu du Sud" et l’histoire du Vietnam…

[L'Empire du milieu du sud de Eric Deroo et Jacques Perrin. 2010. Durée : 1 h 26. Distribution : Les Acacias. Sortie le 24 novembre 2010] .