Sagan : une vie

Sagan : une vie

Une "performance" d’acteur peut-elle "faire" un film ? Sans Sylvie Testud on ne donnait pas cher de Sagan de Diane Kurys, produit télé conçu à l’origine pour une diffusion rapide et éphémère si les décideurs n'avaient pas été étonnés par sa qualité. L’interprétation de la comédienne en fait une œuvre extrêmement plaisante, parfois fascinante.Comme on l’a écrit précédemment (mais dans une toute autre mesure) à propos de la version de Che présentée par Steven Soderbergh à Cannes, Sagan ne joue pas totalement le jeu du "biopic" (ou biographie filmée) : pas de rosebud qui nous expliquerait la vérité intime du personnage, et une quasi absence de point de vue affirmé sur l’auteure (à la différence de Che, cette fois). Le film de Diane Kurys se contente d’enquiller sur un mode strictement chronologique les épisodes de la vie de Sagan (à partir de la parution du futur best-seller Bonjour Tristesse : avant, Françoise Sagan n’était "que" Quoirez), les rencontres (Chazot, Schoeller, Peggy Roche…), les bons mots, les coups d’éclat ou de blues ; le tout est relié par des extraits en voix-off de l’œuvre (Françoise Sagan a beaucoup utilisé le "je", beaucoup parlé d’elle, directement ou indirectement, jusqu’à écrire sa propre épitaphe : ).Paradoxalement, c’est cette simplicité, cette modestie qui font le prix de Sagan : s’il le fait au détriment de toute réflexion sur l’œuvre (à peine est évoquée la "petite musique"), sur le processus de l’écriture, sur les rapports entre l’art et la vie, le film parvient à restituer le sentiment mélancolique de la vie qui passe. Il fait la part belle aux comédiens, étonnamment justes et jamais écrasés, comme c’est souvent le cas dans les films historiques, par des personnages trop imposants (Pierre Palmade en Jacques Chazot, Jeanne Balibar en Peggy Roche, Denys Podalydès, Arielle Dombasle).On en revient donc à Sylvie Testud, et à sa composition saisissante. Dans cette intéressante notice Cinedoc, Barbara Velasco démontre que dès l’origine (en 1912, Sarah Bernhardt incarnait au cinéma La Reine Elisabeth) le succès de la biographie filmée est indissociable de la présence dans le rôle titre, sinon d’une star, du moins d’un acteur dont on saluera la performance (on a pu le voir récemment avec Marion Cotillard dans La Môme). Reste à déterminer ce qui dans la fascination que procure le jeu de l’actrice ce qui ressort du mimétisme, de l’imitation talentueuse (silhouette, gestuelle, élocution) d’une personnalité restée dans la mémoire collective, et ce qui appartient la "construction du personnage" au sens stanislavskien du terme (l’actrice en parle longuement sur Telérama.fr).

[Sagan de Diane Kurys. 2007. Durée : 1 h 58. Distribution : Europacorp. Sortie le 11 juin 2008]Pour aller plus loin— La bande-annonce sur Curiosphere.tv— Un dossier Sagan par le magazine Lire— Quelques récentes biographies filmées d'écrivains sur Zérodeconduite.net :Molière, La Fontaine, Jane Austen, Beatrix Potter

 

Une "performance" d’acteur peut-elle "faire" un film ? Sans Sylvie Testud on ne donnait pas cher de Sagan de Diane Kurys, produit télé conçu à l’origine pour une diffusion rapide et éphémère si les décideurs n'avaient pas été étonnés par sa qualité. L’interprétation de la comédienne en fait une œuvre extrêmement plaisante, parfois fascinante.Comme on l’a écrit précédemment (mais dans une toute autre mesure) à propos de la version de Che présentée par Steven Soderbergh à Cannes, Sagan ne joue pas totalement le jeu du "biopic" (ou biographie filmée) : pas de rosebud qui nous expliquerait la vérité intime du personnage, et une quasi absence de point de vue affirmé sur l’auteure (à la différence de Che, cette fois). Le film de Diane Kurys se contente d’enquiller sur un mode strictement chronologique les épisodes de la vie de Sagan (à partir de la parution du futur best-seller Bonjour Tristesse : avant, Françoise Sagan n’était "que" Quoirez), les rencontres (Chazot, Schoeller, Peggy Roche…), les bons mots, les coups d’éclat ou de blues ; le tout est relié par des extraits en voix-off de l’œuvre (Françoise Sagan a beaucoup utilisé le "je", beaucoup parlé d’elle, directement ou indirectement, jusqu’à écrire sa propre épitaphe : ).Paradoxalement, c’est cette simplicité, cette modestie qui font le prix de Sagan : s’il le fait au détriment de toute réflexion sur l’œuvre (à peine est évoquée la "petite musique"), sur le processus de l’écriture, sur les rapports entre l’art et la vie, le film parvient à restituer le sentiment mélancolique de la vie qui passe. Il fait la part belle aux comédiens, étonnamment justes et jamais écrasés, comme c’est souvent le cas dans les films historiques, par des personnages trop imposants (Pierre Palmade en Jacques Chazot, Jeanne Balibar en Peggy Roche, Denys Podalydès, Arielle Dombasle).On en revient donc à Sylvie Testud, et à sa composition saisissante. Dans cette intéressante notice Cinedoc, Barbara Velasco démontre que dès l’origine (en 1912, Sarah Bernhardt incarnait au cinéma La Reine Elisabeth) le succès de la biographie filmée est indissociable de la présence dans le rôle titre, sinon d’une star, du moins d’un acteur dont on saluera la performance (on a pu le voir récemment avec Marion Cotillard dans La Môme). Reste à déterminer ce qui dans la fascination que procure le jeu de l’actrice ce qui ressort du mimétisme, de l’imitation talentueuse (silhouette, gestuelle, élocution) d’une personnalité restée dans la mémoire collective, et ce qui appartient la "construction du personnage" au sens stanislavskien du terme (l’actrice en parle longuement sur Telérama.fr).

[Sagan de Diane Kurys. 2007. Durée : 1 h 58. Distribution : Europacorp. Sortie le 11 juin 2008]Pour aller plus loin— La bande-annonce sur Curiosphere.tv— Un dossier Sagan par le magazine Lire— Quelques récentes biographies filmées d'écrivains sur Zérodeconduite.net :Molière, La Fontaine, Jane Austen, Beatrix Potter