Ressources pédagogiques

Séraphine : la peinture des simples


La sortie de Séraphine, le film de Martin Provost coïncide avec une rétrospective des œuvres de Séraphine dite « de Senlis » au musée Maillol de Paris. On pourra juger d’enrichir l’un par l’autre, si l'on pense, comme Proust le fait dire à Sainte-Beuve, que le « moi social » ne se distingue pas du « moi profond ». En effet, Séraphine, est un vrai « cœur simple », comme la Félicité de Flaubert (cf le film de Marion Laine), excepté qu’elle dépense ce qu’elle gagne difficilement le jour à acheter des toiles, pour peindre la nuit (mais c’est un ange, « perroquet invisible ? » qui l’enjoint à peindre). Ses œuvres sont comme elle, « simples », « naïves », « enfantines » selon le point de vue où l’on se placera, mais jamais « faciles ». Elles expriment en effet derrière le trait répétitif qui confine à l’angoisse, une forme de litanie picturale, qui peut provoquer un vertige extatique, à la manière de prières répétées inlassablement ; reprenant aux vitraux, l’armature de l’arbre de Jessé, ses œuvres émerveillent par le feu d’artifice des couleurs. C’est cet émerveillement qu’éprouve Wilhem Uhde quand il découvre « par hasard » (ce qui offre une belle scène de vengeance sociale) une œuvre de Séraphine. Le film nous raconte leur rencontre et leur complicité émaillée de véritables trous dus à l’Histoire ou à l’humaine désagrégation des relations, quand la différence sociale prend le pas sur la connivence artistique. Donc quand l’œil avisé, raffiné et élégant (du collectionneur Uhde) rencontre la main besogneuse, bouffie et sale (de la bonne Séraphine), le spectateur assiste à une rencontre du troisième type, et là réside la leçon du film : l’art tisse des ponts au delà de l’humaine condition, et c’est peut-être la vraie religion (au sens étymologique) qui puisse nous être offerte. Le film, assez classique, en ce sens qu’il joue du pathétique à plein en nous apitoyant sur le sort de Séraphine, mi-Félicité mi-Camille Claudel (elle finit dans un asile d’aliénés), est sauvé par le jeu de Yolande Moreau, qui par moments, s’échappe avec grâce de cette « pitié dangereuse ». Le réalisateur souligne aussi chez les deux personnages, leur statut « d’exilés de la société », car si la main est « folle » et « méprisée », l’œil est « boche » et « homosexuel » : la réflexion sur l’art prétendument « naïf » s’enrichit de fait, car on peut identifier à sa source une « virginité de l’être au monde » face aux préjugés qui stigmatisent et qui marquent.

[Séraphine de Martin Provost. 2007. Durée : 2 h 05. Distribution : Diaphana. Sortie le 1er octobre]


D'autres ressources sur le même thème

Fiche d'activités Ma Vie de Courgette
  • Français
  • Collège
En DVD
Dossier pédagogique Certains l'aiment chaud
  • Anglais
  • Lycée
  • Collège
En DVD

La Terre des hommes rouges : le regard de l'autre

Me connecter

Pas encore inscrit ? Créer mon compte