Valse avec Bachir : tu n'as rien vu à Chatila…

Valse avec Bachir : tu n'as rien vu à Chatila…

Chaque année Cannes ce sont des retrouvailles, plus ou moins heureuses, avec les grands maîtres du cinéma mondial, les Dardenne, les Wenders, les Kusturica ou les Desplechin… C’est aussi et surtout le frisson délicieux de la découverte, quand l’espace d’une projection s’impose un univers cinématographique novateur, cohérent, inédit. Ce frisson vous saisit, pour ne plus vous lâcher ensuite, dès les premiers images animées de Valse avec Bashir d’Ari Folman : une meute de molosses enragés sème la terreur dans les rues d’une ville indéterminée, sur fond de musique techno. Valse avec Bachir raconte l’enquête du réalisateur israélien Ari Folman sur un épisode longtemps refoulé de sa jeunesse : sa participation en tant qu’appelé à l’opération "Paix en Galilée" pendant la première guerre du Liban (1982) et à l’occupation de la ville de Beyrouth, qui aboutit (entre autres) au terrible massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila. Cette première séquence, très angoissante, des chiens enragés est en fait le cauchemar d’un vieux copain de régiment, dont le récit va servir d’élément déclencheur . Il renvoye en effet Ari Folman à sa propre absence de souvenirs, à l’exception d’une image obsédante et peut-être inventée : lui et ses camarades se baignant face à Beyrouth dévastée et illuminée par les fusées éclairantes, la nuit du fameux massacre perpétré par les phalanges chrétiennes. Pour retrouver la mémoire qui lui échappe et savoir ce qu’il a fait ou pas cette nuit-là, Folman va partir à la recherche de ses anciens camarades. Aux confins de la bande dessinée autobiographique (on pense à Persepolis évidemment, sélection cannoise oblige, mais également à Maus d’Art Spiegelman ou L’Ascension du haut-mal de David B.) et du documentaire historique (genre dont le film reprend la structure), Valse avec Bachir est un magnifique film sur la façon dont la guerre marque les hommes, et dont ceux-ci s’arrangent avec leurs blessures, en même temps qu’ une réflexion quasi proustienne sur la mémoire. La narration, faite d’allers et retours entre présent et passé, mêle la nostalgie douce-amère de quadragénaires installés (guerre ou pas, il s’agissait tout de même de leurs vingt ans), et le surgissement soudain de visions traumatiques refoulées. La liberté qu’offre l’esthétique si particulière et originale du film (l’animation documentaire), permet d’unifier les deux, traçant en quelque sorte un pont entre le Kubrick grinçant de Full Metal Jacket et l’humanité de La Ligne rouge de Terence Mallick. Par cercles concentriques, le film se rapprochera de ce qui est à la fois son point aveugle et son cœur battant : le massacre perpétré par les phalanges chrétiennes sur les hommes (pour venger la mort de Bachir Gemayel), femmes et enfants des camps de Sabra et Chatila, sous les yeux de l’armée israélienne qui encerclait le camp et laissa agir ses supplétifs. On se souvient qu’Amos Gitaï avait signé un de ses plus beaux films sur ses souvenirs de la guerre du Kippour (Kippour, 1998). Au moment où Israël fête ses soixante ans, Ari Folman revisite une page encore plus noire de l’histoire du jeune état, avec une sincérité qui ne manquera pas de provoquera la polémique dans son pays.

Valse avec Bashir d’Ari Folman, Israël, 87 mn

Chaque année Cannes ce sont des retrouvailles, plus ou moins heureuses, avec les grands maîtres du cinéma mondial, les Dardenne, les Wenders, les Kusturica ou les Desplechin… C’est aussi et surtout le frisson délicieux de la découverte, quand l’espace d’une projection s’impose un univers cinématographique novateur, cohérent, inédit. Ce frisson vous saisit, pour ne plus vous lâcher ensuite, dès les premiers images animées de Valse avec Bashir d’Ari Folman : une meute de molosses enragés sème la terreur dans les rues d’une ville indéterminée, sur fond de musique techno. Valse avec Bachir raconte l’enquête du réalisateur israélien Ari Folman sur un épisode longtemps refoulé de sa jeunesse : sa participation en tant qu’appelé à l’opération "Paix en Galilée" pendant la première guerre du Liban (1982) et à l’occupation de la ville de Beyrouth, qui aboutit (entre autres) au terrible massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila. Cette première séquence, très angoissante, des chiens enragés est en fait le cauchemar d’un vieux copain de régiment, dont le récit va servir d’élément déclencheur . Il renvoye en effet Ari Folman à sa propre absence de souvenirs, à l’exception d’une image obsédante et peut-être inventée : lui et ses camarades se baignant face à Beyrouth dévastée et illuminée par les fusées éclairantes, la nuit du fameux massacre perpétré par les phalanges chrétiennes. Pour retrouver la mémoire qui lui échappe et savoir ce qu’il a fait ou pas cette nuit-là, Folman va partir à la recherche de ses anciens camarades. Aux confins de la bande dessinée autobiographique (on pense à Persepolis évidemment, sélection cannoise oblige, mais également à Maus d’Art Spiegelman ou L’Ascension du haut-mal de David B.) et du documentaire historique (genre dont le film reprend la structure), Valse avec Bachir est un magnifique film sur la façon dont la guerre marque les hommes, et dont ceux-ci s’arrangent avec leurs blessures, en même temps qu’ une réflexion quasi proustienne sur la mémoire. La narration, faite d’allers et retours entre présent et passé, mêle la nostalgie douce-amère de quadragénaires installés (guerre ou pas, il s’agissait tout de même de leurs vingt ans), et le surgissement soudain de visions traumatiques refoulées. La liberté qu’offre l’esthétique si particulière et originale du film (l’animation documentaire), permet d’unifier les deux, traçant en quelque sorte un pont entre le Kubrick grinçant de Full Metal Jacket et l’humanité de La Ligne rouge de Terence Mallick. Par cercles concentriques, le film se rapprochera de ce qui est à la fois son point aveugle et son cœur battant : le massacre perpétré par les phalanges chrétiennes sur les hommes (pour venger la mort de Bachir Gemayel), femmes et enfants des camps de Sabra et Chatila, sous les yeux de l’armée israélienne qui encerclait le camp et laissa agir ses supplétifs. On se souvient qu’Amos Gitaï avait signé un de ses plus beaux films sur ses souvenirs de la guerre du Kippour (Kippour, 1998). Au moment où Israël fête ses soixante ans, Ari Folman revisite une page encore plus noire de l’histoire du jeune état, avec une sincérité qui ne manquera pas de provoquera la polémique dans son pays.

Valse avec Bashir d’Ari Folman, Israël, 87 mn