Mandela, un long chemin vers la liberté©Pathé Distribution

La vie de Mandela entre politique et l'intime

Critique
de Justin Chadwick
139 minutes 2013

Imaginé dès 1995 par le producteur sud-africain Anant Singh, Mandela, A long walk to freedom ne sort sur les écrans de cinéma qu'aujourd'hui, alors que le monde achève à peine de célébrer la disparition de la dernière icône politique du XXème siècle. Ce hasard achève de consacrer le film de Justin Chadwick comme LE "biopic" du premier président de l'Afrique du Sud post-apartheid : d'abord parce qu'il se présente comme l'adaptation fidèle de l'autobiographie de "Madiba" ; ensuite, et surtout, parce qu'à la différence d'œuvres antérieures (Goodbye Bafana, qui se concentrait sur la captivité de Mandela, Invictus, qui romançait la victoire de l'équipe sud-africaine à la Coupe du Monde de Rugby de 1994) ce nouveau film suit Mandela suit la majeure partie de sa vie.

A la faveur des hommages, rétrospectives, dossiers spéciaux qui ont ces derniers jours éclairé les moindres zones d'ombre de la vie du grand homme, on mesure la gageure que représente une telle entreprise : comment résumer en deux heures et quelques (de ce qui doit rester un divertissement populaire) une "longue marche" de plus de soixante ans, avec ses brusques accélérations (la période de clandestinité, le procès de Rivonia, la libération) mais aussi le long et désespérant tunnel que constituèrent ses 27 années d'incarcération ? Quel fil narratif tirer pour donner unité et cohérence à l'accumulation de faits biographiques déjà largement connus ?

Le film choisit judicieusement de mettre l'accent sur la relation qui unit Nelson à "l'autre Mandela" : Winnie Madikizela Mandela, compagne tendrement aimée qui se muera par la force des choses en partenaire, puis en adversaire, politiques. C'est un choix doublement fécond : sur le plan de la fiction, montrer un Mandela ambitieux, coquet, un peu coureur, en un mot humain, et le faire incarner par un acteur de quarante ans (Idriss Elba, star de la série The Wire), permet de nous faire un tant soit peu ressentir la violence que subit Madiba, à qui furent volés vingt-sept années de sa vie sentimentale, sexuelle, familiale… Sur le plan historique, l'accent mis sur la relation entre Nelson et Winnie est aussi un excellent raccourci pour faire comprendre la grandeur politique de Mandela : cette capacité à dépasser le ressentiment pour imposer la réconciliation à un pays au bord de la guerre civile (le film montre les affrontements entre partisans de l'ANC et zulus de l'Inkhata, alors tentés par la sécession), alors que la majorité de ses partisans semblait aveuglée par son esprit de revanche. Ceux-là, c'est Winnie qui les représente dans le film, Winnie auquel le régime sud-africain, non contente de l'avoir séparée de son mari et du père de ses filles, fit endurer un véritable calvaire (vexations, incarcérations, torture, exil), la transformant en opposante farouche et déterminée. Et c'est encore elle qui les représente aujourd'hui, malgré des frasques (dont une accusation de meurtre) sur lesquelles le film passe pudiquement (fidèle en cela à l'indulgence que lui manifesta toujours Nelson) : tous ceux qui pensent que les blancs s'en sont tirés à bon compte, et que Madiba leur a volé "leur révolution".

Sans aucune audace sur le plan cinématographique mais doté de moyens conséquents, Mandela, un long chemin vers la liberté est donc un biopic qui s'acquitte honnêtement de sa tache, et qui pourra être utile aux enseignants, notamment d'anglais, souhaitant aborder l'Afrique du Sud et le parcours de Mandela en classe.