Les Bureaux de Dieu : les monologues du Planning

Les Bureaux de Dieu : les monologues du Planning

Il y a trois ans, le Mouvement Français pour le Planning familial fêtait ses cinquante ans. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, Les Bureaux de Dieu de Claire Simon pourrait apparaître, avec un peu de retard, comme la célébration adéquate de cette aventure extraordinaire. A ceci près que le film n’a rien d’institutionnel ou d’académique, et qu’il emploie des chemins cinématographiques plutôt buissonniers : Claire Simon a choisi de de faire interpréter par des comédiennes professionnelles un scénario élaboré à partir d’entretiens "réels" auxquels elle avait assisté.Là où un documentaire aurait forcément découpé les "moments forts" dans le matériau tourné, là où la fiction se condamnait à un minimum de dramatisation la méthode proposée permet de mettre en valeur la parole et de solliciter notre écoute. Si Les Bureaux de Dieu est un film important, c’est parce qu’il s’y dit des choses que le cinéma (sans doute parce qu’il est majoritairement masculin,mais aussi et surtout parce qu’il ne s’intérese pas à ces "affaires"-là) laisse habituellement pudiquement de côté : on y parle premières règles, stérilet, avortement.Les cas qui s’exposent ici n’ont rien de particulièrement dramatique ou cinégénique, et l’on imagine qu’ils donnent une image assez juste de ce qui constitue certainement le quotidien des conseillères du Planning : sur la sexualité, la contraception, l’avortement, sur le poids de la famille et de la religion, et surtout sur la liberté chèrement gagnée par les femmes, liberté à conquérir à nouveau dans le corps de chacune.Restent les noms ; les noms que l’on a volontairement omis de citer jusqu’ici, mais qui s’étalent partout ailleurs : les Baye, Brakni, Carré, Dalle, Garcia et d’autres, interprètent les employées et bénévoles du Planning (avec, côté "guest stars" masculines, Emmanuel Mouret et Michel Boujenah). Ce "casting" de stars constitue sans doute l’atout majeur du film sur un plan marketing ; d’un point de vue cinématographique, il n’est pas loin de le disqualifier. Il détourne en effet notre attention de l’essentiel, de ce que le dispositif avait pour but de faire advenir : la parole. On se surprend à guetter l’apparition successive des visages connus (ah, tiens, Marie Laforêt a les cheveux blonds maintenant), on compare la place accordée à l’une ou à l’autre, on se découvre plus attentif aux hochements de tête et aux relances de Nicole Garcia ou Nathalie Baye qu’aux récits qui leur sont faits. Par un curieux retournement, ce sont les femmes qui se confient (comédiennes elles aussi, mais débutantes ou amatrices) qui deviennent le faire-valoir de celles qui les écoutent. On pourrait se dire qu’il s’agit de faire le portrait des "filles du Planning", mais le film ne bâtit pas de véritables personnages. Comme son titre l’indique, Les Bureaux de Dieu décrit également le Planning d’une manière assez angélique, sans tensions, sans questionnements (à l’exception d’une réunion sur un cas de mariage forcé qui permet de filmer toutes les actrices en même temps), sans coup de blues ou presque.Il en résulte un objet filmique à la fois "arty" (la musique jazz, les plans hors entretien) et people, dont on se demande à quel public il s’adresse, et qui surtout n’apparaît pas comme le meilleur vecteur pour faire connaître le planning à celles qui en ont besoin (notamment les jeunes filles scolarisées).

Les Bureaux de Dieu de Claire Simon, 122 mn, FranceQuinzaine des Réalisateurs

Il y a trois ans, le Mouvement Français pour le Planning familial fêtait ses cinquante ans. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, Les Bureaux de Dieu de Claire Simon pourrait apparaître, avec un peu de retard, comme la célébration adéquate de cette aventure extraordinaire. A ceci près que le film n’a rien d’institutionnel ou d’académique, et qu’il emploie des chemins cinématographiques plutôt buissonniers : Claire Simon a choisi de de faire interpréter par des comédiennes professionnelles un scénario élaboré à partir d’entretiens "réels" auxquels elle avait assisté.Là où un documentaire aurait forcément découpé les "moments forts" dans le matériau tourné, là où la fiction se condamnait à un minimum de dramatisation la méthode proposée permet de mettre en valeur la parole et de solliciter notre écoute. Si Les Bureaux de Dieu est un film important, c’est parce qu’il s’y dit des choses que le cinéma (sans doute parce qu’il est majoritairement masculin,mais aussi et surtout parce qu’il ne s’intérese pas à ces "affaires"-là) laisse habituellement pudiquement de côté : on y parle premières règles, stérilet, avortement.Les cas qui s’exposent ici n’ont rien de particulièrement dramatique ou cinégénique, et l’on imagine qu’ils donnent une image assez juste de ce qui constitue certainement le quotidien des conseillères du Planning : sur la sexualité, la contraception, l’avortement, sur le poids de la famille et de la religion, et surtout sur la liberté chèrement gagnée par les femmes, liberté à conquérir à nouveau dans le corps de chacune.Restent les noms ; les noms que l’on a volontairement omis de citer jusqu’ici, mais qui s’étalent partout ailleurs : les Baye, Brakni, Carré, Dalle, Garcia et d’autres, interprètent les employées et bénévoles du Planning (avec, côté "guest stars" masculines, Emmanuel Mouret et Michel Boujenah). Ce "casting" de stars constitue sans doute l’atout majeur du film sur un plan marketing ; d’un point de vue cinématographique, il n’est pas loin de le disqualifier. Il détourne en effet notre attention de l’essentiel, de ce que le dispositif avait pour but de faire advenir : la parole. On se surprend à guetter l’apparition successive des visages connus (ah, tiens, Marie Laforêt a les cheveux blonds maintenant), on compare la place accordée à l’une ou à l’autre, on se découvre plus attentif aux hochements de tête et aux relances de Nicole Garcia ou Nathalie Baye qu’aux récits qui leur sont faits. Par un curieux retournement, ce sont les femmes qui se confient (comédiennes elles aussi, mais débutantes ou amatrices) qui deviennent le faire-valoir de celles qui les écoutent. On pourrait se dire qu’il s’agit de faire le portrait des "filles du Planning", mais le film ne bâtit pas de véritables personnages. Comme son titre l’indique, Les Bureaux de Dieu décrit également le Planning d’une manière assez angélique, sans tensions, sans questionnements (à l’exception d’une réunion sur un cas de mariage forcé qui permet de filmer toutes les actrices en même temps), sans coup de blues ou presque.Il en résulte un objet filmique à la fois "arty" (la musique jazz, les plans hors entretien) et people, dont on se demande à quel public il s’adresse, et qui surtout n’apparaît pas comme le meilleur vecteur pour faire connaître le planning à celles qui en ont besoin (notamment les jeunes filles scolarisées).

Les Bureaux de Dieu de Claire Simon, 122 mn, FranceQuinzaine des Réalisateurs